En DVD et Blu-ray : L'enfer, c'est les autres et quand on est ado, c'est souvent les parents. On ne choisit pas sa famille... Bon, j'ai cité Jean-Paul Sartre et Maxime Leforestier mais c'est d'Ivan Calbérac dont je veux vous parler. Avec Venise n'est pas en Italie, le cinéaste signe une chronique familiale pleine de tendresse et de moments gênants, mettant en scène Benoît Poelvoorde, Valérie Bonneton et le jeune Hélie Thonnat.
Emile pourrait être un adolescent heureux mais comme il est plutôt doué au collège, il ne s'y fait pas que des amis. Les enfants sont cruels, c'est bien connu. Et puis surtout, il a deux parents un peu barrés, Bernard est VRP et Annie vend du bio, imposant des aliments sains (traduction : dégueulasses) à tous les repas. Le pire, c'est qu'Emile dort chez une voisine et ses parents dans une caravane, en attendant que la maison familiale soit enfin construite - ce qui n'est pas prêt d'arriver, étant données les finances du foyer. Pour couronner le tout, le nom de famille d'Emile, c'est Chamodot. Un rayon de soleil dans cet horizon chargé : Pauline, une collégienne dont l'ado tombe amoureux. Fille unique d'une famille aisée, Pauline joue de la harpe. Elle invite Emile à venir assister à son concert... à Venise. Bernard et Annie acceptent qu'il parte en Italie. Emile exulte avant de déchanter : son daron décide que toute la famille se rendra dans la Cité lacustre... en caravane.
Tiré de son propre roman, qu'il avait déjà adapté en pièce de théâtre avec Thomas Solivérès (et dont le titre reprend celui d'une chanson de Serge Reggiani, vous suivez ?), le film d'Ivan Calbérac évite les écueils de la comédie franchouillarde. A savoir une succession de gags hénaurmes provoqués par la coexistence d'un adolescent sensible et de parents beaufs. Oui, Bernard et Annie foutent souvent la honte et cela donne lieu à des séquences très marrantes. Mais aucun des personnages n'est monolithique et quand le spectateur s'attend à ce que l'histoire emprunte l'autoroute du déjà vu, Calbérac prend une voie de traverse - à l'image de la caravane sur les routes de France et d'Italie. Les parents ne sont pas que des gentils dingos : ils ont leurs failles et malgré leur ouverture d'esprit, il leur arrive de balancer une baffe quand ils sont dans une impasse. Idem pour Fabrice, le frère aîné d'Emile : on pense qu'il est juste un emmerdeur pas très futé... et non.
En fin de compte, Ivan Calbérac raconte avec finesse les émois adolescents, la découverte de l'amour, l'éveil à la sexualité (avec une scène très sensuelle qui en rappelle une autre dans Préparez vos mouchoirs), les "joies" de la vie de famille, la difficulté de vivre dans un foyer modeste, le regard des autres... Jamais il ne juge ses personnages, il leur porte au contraire un regard bienveillant. Et ça n'est pas difficile car cette galerie d'allumés est attachante. Benoît Poelvoorde et Valérie Bonneton forment un beau couple : les comédiens laissent exprimer leur fantaisie sans en faire des tonnes. Ils retiennent leur tendance à partir au quart de tour pour exprimer la sensibilité des doux rêveurs qu'ils interprètent. Le jeune Hélie Thonnat est également formidable en ado mal dans sa peau qui tente de s'affirmer au sein de cette famille non conventionnelle. Il nous fait partager toute la gamme d'émotions qui l'assaillent au cours de son périple - transalpin et intérieur. Le grand frère et sa copine sont interprétés respectivement par Eugène Marcuse et Coline D'Inca (Plus belle la vie) qui, là encore, apportent des nuances à leurs compositions.
L'édition vidéo de StudioCanal ne comporte aucun supplément. Reste le film et c'est le principal. On rit beaucoup et parfois, la gorge se noue. Ces parents imparfaits, cet ado mal dans sa peau, cela fait forcément renaître des souvenirs personnels. Famille, je vous aime.
Anderton
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