Buzz : Ce lundi soir, 13ème Rue diffuse les deux premiers épisodes de la série événement Trauma. L'histoire : un flic qui enquête sur une série de meurtres devient amnésique après avoir reçu une balle dans la tête. Alors qu'il essaie de recouvrer la mémoire, il fait une découverte stupéfiante dans sa cave. A la réalisation, Fred Grivois (La Résistance de l'air, L'Intervention). Nous lui avons posé des questions sur son approche du thriller, ses influences, son casting...
Cineblogywood : Vous avez surtout travaillé pour le cinéma, vous avez réalisé deux longs-métrages... qu'est-ce qui vous a donné envie de vous impliquer dans cette mini-série ?
Fred Grivois : Le pitch de la série n’est pas de moi. Il a été mis au point par le producteur Henri Debeurme et Aurélien Molas. Cela faisait un moment qu’avec Aurélien, nous parlions de travailler ensemble. Et puis Raphael Rocher, Henri Debeurme et Eric Laroche, à Empreinte Digitale, sont mes producteurs "attitrés"... Je ne pouvais donc pas refuser. Mais le plus étrange, c’est que ce pitch est un rêve récurrent que je fais depuis plusieurs années. Dans ce cauchemar, je suis pourchassé pour une série de meurtres dont je n’ai pas le souvenir et dont je ne connais pas les victimes... J’ai souvent réfléchi à comment en faire un film, et Henri et Aurélien ont trouvé la clé ! Et puis, comme beaucoup de réalisateurs de ma génération, je suis attiré par la série.
Ce qui frappe et séduit d'emblée dans Trauma, c'est son ambition artistique, du scénario à la réalisation, en passant par la photo et la musique. Comment obtenir cette exigence de qualité avec un budget qui n'est pas celui d'un film ?
Je ne sais pas vraiment. Je n’ai pas ressentie de réelles contrainte lors de la fabrication. Les contraintes, mon co-auteur Donald Hebert et moi les avions intégrées dès l’écriture. Nous avions décidé de limiter le nombre de décors et de personnages. Après, lors de la production, nous avons maximiser toutes les ressources. Par exemple, nous avons choisis des décors qui permettaient de tourner plusieurs scènes différentes. Dans Trauma, il n’y a aucun décor à usage unique.
Pour ma part, je pense que cette qualité ne s’obtient qu’en travaillant beaucoup, dans une bonne ambiance et avec des gens que l’on aime... Ça peut paraître idiot, voir naïf, mais j’ai toujours pensé que le cinéma est un artisanat dans lequel chacun amène son savoir-faire. Alors, si tout le monde est heureux d’être là, on peut faire des choses formidables !
On sent que vous avez abordé ce thriller à la fois avec respect mais aussi avec une forme d'impertinence, notamment dans le recours à l'humour. Etait-ce important pour vous vous de ne pas simplement vous glisser dans un genre mais d'en bousculer aussi les codes ?
Le thriller est le genre que j’aime par dessus tout. C’est le genre qui m’a donné envie de faire ce métier. Cette présence de l’humour est une remarque qui revient souvent. Et ça a été la même chose pour mon film précédent, L’Intervention. Il y a plusieurs raisons à cela. D'abord, lorsqu'on crée de la tension, si elle est permanente, on perd vite le spectateur car c’est trop difficile à supporter. Par contre, si la tension est rythmée par de l’humour, on peut la faire monter et descendre, mais surtout on peut la faire monter de plus en plus haut à chaque fois qu’elle reprend.
Ensuite, il s’agit pour moi d’un rapport au réel dans lequel, je pense, le spectateur se retrouve. Je suis issu d’une famille de médecins - parents et frères -, et puis par mon métier, j’ai eu l’occasion de travailler avec des policiers, des pompiers et aussi des voyous. Tous ces gens ont une chose en commun : un humour qui leur permet de faire face aux difficultés et aux horreurs que leur choix de vie leur impose. Cette façon d’aborder le réel donne en plus aux acteurs une palette de travail beaucoup plus large, car elle permet aux personnages d’avoir un peu de recul sur leur propre situation. Mais je n’ai rien inventé : Raymond Chandler faisait déjà cela dans ses romans et Howard Hawks dans ses films.
Pour ce qui est de bousculer les codes, je pense que c’est obligatoire. Prendre un genre pour le faire à l’identique, ce n’est pas très intéressant. Par contre, le regarder sous toutes les coutures pour en extraire la typologie et changer l’angle duquel on le regarde, ça, c'est amusant. Par exemple, pour Trauma, je n’avais pas envie d’avoir à tourner une énième représentation de commissariat. Je me suis rappelé des Algeco dans L627 de Bertrand Tavernier et je me suis dit : "Et si le commissariat était en travaux et qu’il avait été transféré dans une école maternelle... Les policiers feraient des réunions assis sur des chaises miniatures et accrocheraient des photos de scènes de crimes au milieu de dessins d’enfants de 5 ans". Et cette façon de réfléchir, nous l’avons appliquée à beaucoup d’éléments de la série.
David Fincher a marqué de son empreinte le thriller au cinéma, idem pour True Detective à la télévision. Pour vous, était-ce des sources d'inspiration ou des héritages encombrants ? Pouvez-vous d'ailleurs préciser votre approche de mise en scène pour Trauma ?
Ha ha ha ! Vous avez bien étudié la question ! Je dirais que ce serait plutôt des inspirations. Je me suis effectivement permis un clin d’oeil à True Detective par la forme du générique de Trauma. Le travail de Fukunaga sur le polar est intéressant par son utilisation du silence pour induire de la tension. David Fincher, c'est encore autre chose. On parle de l’un des cinq plus grands réalisateurs vivants. Le travail de Fincher tourne essentiellement autour du même thème : la manipulation. Donc forcément, il y avait dans sa filmographie des éléments qui pouvaient nous intéresser.
L’approche de la mise en scène a été assez simple. Elle devait être radicale et tout le temps dans le point unique du personnage principal. Un personnage dont l’âme et l'appréhension du monde ont été brisées et éclatées. La mise en scène se devait donc d’être déstructurée et en même temps fluide pour ne pas parasiter une intrigue assez complexe. Les inspirations principales ont été le Brian De Palma des années 1980 et le Bo Joon Ho des années 2000.
Eric Laroche m'a dit que c'est vous qui avez pensé à Guillaume Labbé et Margot Bancilhon pour les rôles principaux. Et ils sont formidables, tout comme le reste du casting d'ailleurs. Comment avez-vous travaillé avec eux leurs personnages, en amont et pendant le tournage ?
J’avais déjà travaillé avec Guillaume sur L’Intervention et je voulais travailler avec Margot depuis un moment. Je les ai choisis sur la base du pitch. Les scenarii n’étaient même pas écrits. Même chose pour Sébastien Lalanne et Narcisse Mame. Cela a d’ailleurs rendu l’écriture plus facile. J’ai découvert Olivia Ross et Alysson Paradis grâce à Michael Laguens, mon directeur de casting. Toutes les deux étaient des choix évidents.
De là, nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour répéter et lire ; par contre, nous avons pris le temps d’en discuter, de parler des personnages et de leurs motivations. Et comme tous sont des acteurs très techniques, nous pouvions livrer nos sept minutes utiles par jour.
Enfin, est-ce que vous pouvez-nous parler de vos projets futurs ?
Je tourne une mini-fiction pour Golden Network (groupe M6) le mois prochain avec le même casting que Trauma. Je dois admettre que les ambiances de troupe me plaisent. Mon prochain long-métrage est en financement pour un tournage l’été prochain. Il s’agit d’une comédie d’action. Et j’écris actuellement deux séries : un thriller et une série d’espionnage.
A lire également l'interview d'Eric Laroche, coproducteur de Trauma
Anderton
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