mardi 2 novembre 2021

Les Eternels : épique, ésotérique et fun

Les Eternels Marvel Studios CINEBLOGYWOOD


En salles (le 3 novembre) : Les Eternels, réalisé par Chloé Zhao, étend le Marvel Cinematic Universe (MCU) dans une direction originale, inattendue. L'épique côtoie l'ésotérique et le pur fun. Un combo (d)étonnant mais qui fonctionne.


Marvel Studios poursuit sa démarche d'ouvrir le MCU (dans sa 4e phase) à des personnages qui sont peu connus du grand public. C'est une nécessité pour éviter de lasser même les fans mais c'est aussi une prise de risque, comme la production des Gardiens de la Galaxie (dans un genre très différent) en a aussi été une. Créés en 1976 par le boss Jack Kirby, les Eternels sont des entités qui ont été envoyées sur Terre par les Célestes pour annihiler des créatures appelées les Déviants et permettre ainsi à l'humanité de se développer. Après avoir accompli leur mission, ces gardiens dotés de super pouvoirs se sont dispersés sur la planète et fondus dans la population pendant des millénaires. Mais au XXIe siècle, les Déviants réapparaissent. Les Eternels reprennent du service.

Ambitieux, Les Eternels l'est à plus d'un titre. D'abord, parce qu'à travers la saga de ces êtres sur lesquels le temps n'a pas d'emprise, Marvel réinterprète l'histoire de l'humanité. Leur présence permet à nos frustres ancêtres de progresser dans tous les domaines. L'arrivée du vaisseau des Eternels évoque d'ailleurs l'apparition du monolithe dans 2001 L'Odyssée de l'espace. La surface plane et horizontale du premier répond à celle verticale du second. La référence est suffisamment évidente pour que Chloé Zhao n'en rajoute pas. Les dix surhumains évoluent parmi les homo sapiens, dont ils partagent même le quotidien. Le nom de certains Eternels (Ikaris, Thena, Phastos, Gilgamesh...) a sans aucun doute inspiré la naissance de divinités antiques. Puis les Dix se sont faits oublier.

Amour éternel

Des êtres extra-terrestres aux forces surnaturelles, menant une mission secrète pour le compte d'entités occultes et dont la présence pendant des millénaires a profondément influencé le développement de l'humanité... le film assume une approche spirituelle et même ésotérique, aux relents New Age. A l'instar des "dix envoyés", tous différents mais unis par une même finalité, Les Eternels semble nous dire qu'il existe un lien profond entre les religions, pensées et cultures humaines. Ou plutôt que celles-ci servent le même objectif. Je laisse à chacun l'envie de creuser ce concept plus ou moins profondément. On peut aussi en rester à un message finalement assez simple : l'humanité est caractérisée par sa diversité, mais cette diversité n'est pas un obstacle à l'Amour universel, celui qui doit guider chacun d'entre nous pour rendre notre présent vivable et notre futur, possible. 

Bon, je vais peut-être trop loin mais l'idée est bien là. Marvel ne passe plus uniquement par la révélation de super-pouvoirs ou par une transformation physique pour célébrer la différence. Le groupe des Eternels intègre des individualités de tout genre et de tout âge, aux épidermes et accents variés, et dont les préférences sexuelles n'ont rien d'uniforme. Les cyniques moqueront une approche dans l'air du temps, je préfère y voir l'intégration d'une réalité trop souvent occultée à l'écran, particulièrement dans les blockbusters hollywoodiens. D'où un casting qui associe des personnalités au jeu et à la renommée hétérogènes : Gemma Chan, Richard Madden, Kit Harington, Kumail Nanjiani, Lia McHugh, Brian Tyree Henry, Lauren Ridloff, Barry Keoghan, Don Lee, Salma Hayek, Angelina Jolie. Chacun parvient à faire vivre son personnage au sein du collectif et à lui donner une indispensable sensibilité sans laquelle il n'aurait aucun intérêt. Reste qu'on peine à s'attacher pleinement à des héros qui manquent un peu d'épaisseur par rapport aux Avengers. 

De l'art et du fun

A l'ambition du propos répond celle de la direction artistique. Traduisant à l'écran la vision de Jack Kirby, le film nous donne à voir des mondes grandioses et des êtres qui dégagent une puissance phénoménale. Certaine séquences sont de toute beauté, oniriques, à la limite de l'abstraction. Elles invitent à la contemplation quand d'autres, plus épiques, misent sur le spectaculaire et l'action.

Certes, Chloé Zhao abuse parfois du contre-jour avec l'éclat du soleil qui vient souligner la grandeur d'un moment ou d'un sentiment. Pour autant, Les Eternels n'oublie jamais qu'il est un divertissement familial. L'humour est au rendez-vous. Il y a juste ce qu'il faut de fan service : le face-à-face fugace de Richard Madden et Kit Harington sonne les retrouvailles des frères Starck de Game of Thrones, tandis qu'Ikaris/Madden brandissant un livre de Star Wars rappelle que l'acteur fut un temps pressenti pour incarner Han Solo. Les amateurs de comics trouveront également d'autres références, notamment dans les deux scènes post-génériques - lesquelles tranchent d'ailleurs avec le ton du film.

Avec ses qualités et malgré ses quelques défauts, Les Eternels reste un grand spectacle qui mérite d'être découvert sur grand écran.

Anderton

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