mercredi 24 novembre 2021

Soul Kids : les jeunes de Memphis donnent de la voix

Soul Kids CINEBLOGYWOOD


En salles : Memphis, qui est l'une des capitales du blues et de la soul, est aujourd'hui une ville gangrénée par la violence. La Stax Music Academy s'est appuyée sur le patrimoine musical local et le célèbre label Stax Records pour proposer aux enfants de développer leurs talents musicaux après les cours, plutôt que de traîner dans des rues dangereuses. Le réalisateur Hugo Sobelman est allé à la rencontre de ces artistes en herbe. Le résultat, Soul Kids, actuellement au cinéma, est un documentaire formidable, aussi rythmé qu'émouvant.


Bande-annonce SOUL KIDS de Hugo Sobelman - en salle le 24 novembre 2021 from jour2fete on Vimeo.


Stax. Un nom qui claque comme un éclat de trompette. Le label créé à Memphis en 1957 a accompagné les carrières de certains des plus grands artistes de la musique contemporaine : Otis Redding, Isaac Hayes, Rufus Thomas, Wilson Pickett, The Bar-Kays, Jean Knight ou Sam and Dave, dont le morceau Soul Man a inspiré le titre du doc. Même si aujourd'hui, la cité du Tennessee est davantage appréciée des jeunes pour sa scène hip hop, le répertoire hérité de ces immenses stars conserve un prestige intact, y compris chez les jeunes générations. D'autant qu'au-delà des chansons légères qui parlent d'amour, les titres Stax des années 1960 et 1970 sont portés par des conscious lyrics, des paroles qui évoquent la lutte des Noirs américains pour la reconnaissance de leurs doits ainsi que les injustices quotidiennes auxquelles ils sont soumis.

Ces messages parlent toujours aux enfants et adolescents qui fréquentent l'Académie. Car si leurs aînés ont combattu pour obtenir un statut de citoyen à part entière et la fin de la ségrégation, les Africains-américains continuent de subir le racisme et d'être victimes de violence policière. Lors de discussions en classe ou de témoignages plus intimes, les élèves expriment leurs convictions et leurs inquiétudes, dans la mouvance du mouvement Black Lives Matter. En (ré)interprétant les standards de la soul dans le cadre de leur formation, ils se "conscientisent", s'emballent pour l'engagement de leurs grands-parents, regrettent la futilité de certains rappeurs contemporains. Ils s'inscrivent dans une démarche politique ancienne et, en même temps, font jaillir leurs propres opinions. Lorsqu'ils parlent de racisme, et bien entendu du racisme dont la communauté noire est toujours victime, ils n'hésitent pas à évoquer également le racisme que certains élèves blancs subissent lorsqu'ils se retrouvent dans des établissements scolaires où les effectifs sont majoritairement noirs ou latinos. 

C'est que ces jeunes sont révoltés par les injustices, quelles qu'elles soient. Tout en admettant qu'ils se sentent plus à l'aise au sein de leur communauté et que la méconnaissance de l'autre est à l'origine d'incompréhension et de rejet. Tout en soulignant que la musique les préserve de la violence de leur quartier. Tout sauf un discours simpliste. Ce sont des élèves qui nous donnent une leçon.

Coeurs et âmes

Hugo Sobelman enregistre leurs propos, s'attarde sur leurs visages, en gros plans. Emotions à fleur de peau. Ils sont beaux, les Soul Kids. Ils nous touchent par leur sensibilité, leurs questionnements, leurs espoirs, leurs rêves. Ils nous donnent des frissons par leur talent. De ces corps d'adolescents, jaillissent des voix puissantes.

En 75 minutes, qui passent à toute vitesse, on assiste à des performances d'autant plus impressionnantes qu'elles sont souvent livrées a capella. On voit les élèves répéter, échanger avec une poétesse, inventer une chanson. Le réalisateur insère des images d'archives, montrant le combat pour les droits civiques mais aussi le Wattstax, le célèbre concert donné par les artistes du label Stax à Los Angeles en 1972, en commémoration les émeutes de Watts. Héritage assumé.

Soul Kids est un film qui file la pêche par sa rafraîchissante vitalité, l'innocence assumée qu'il met en lumière. Et puis, quelle musique, interprétée avec beaucoup de coeur... et d'âme.  

Anderton


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