En Blu-ray et DVD : Ce n'est pas le film le plus connu de Sidney Lumet mais A la recherche de Garbo (Garbo Talks, 1984) est une tendre comédie qui continue de nous faire fondre près de 40 ans après sa sortie. L'Atelier d'images nous propose de (re)découvrir ce petit bijou dans un nouveau master HD en vidéo.
Le film s'ouvre sur Estelle en pleurs. Ce n'est pas l'habitude de cette pasionaria toujours prête à réagir contre toute forme d'injustice mais là, elle regarde (pour la énième fois) Le Roman de Marguerite Gautier (George Cukor, 1936) avec son idole, Greta Garbo. Générique de fin, Estelle sèche ses larmes et repart au combat. Au grand désespoir de son fils Gilbert, aussi gentil qu'effacé et qui doit constamment empêcher sa mère d'aller trop loin. Ce qui fait beaucoup pour lui, déjà sous pression : sa femme Lisa le pousse à être plus ambitieux tandis qu'une collègue de bureau lui fait du rentre dedans. Et le ciel lui tombe sur la tête quand il apprend qu'Estelle, atteinte d'un cancer au cerveau, n'en a plus pour longtemps. Hospitalisée, elle émet un voeu : que Gilbert lui fasse rencontrer Greta Garbo. Or, cela fait 40 ans que l'actrice vit recluse, quelque part à New York. Mais Gilbert est bien décidé à faire plaisir à sa mère.
Tendresse et surprise
A la recherche de Garbo est une comédie aussi tendre que surprenante. Tendre car Sidney Lumet porte un regard doux et bienveillant sur sa ville, New York, et ses personnages, les principaux comme les secondaires. Ils sont tous un peu fêlés, un peu fragiles, en quête d'amour ou de reconnaissance. Ce qui les rend profondément attachants. Evidemment, la relation mère-fils est bouleversante. Voir Gilbert surmonter sa timidité et se mettre en quatre pour combler sa maman est à la fois drôle et émouvant.
Le film est également surprenant dans sa construction : on commence par suivre Estelle dans ses combats et on se dit que l'on va assister à la chronique d'une femme indépendante, engagée et caractérielle, puis Lumet laisse Estelle à l'hôpital et accompagne Gilbert dans sa quête de la star disparue. Le cinéaste nous surprend encore en faisant appel à Carrie Fisher, alors au sommet de sa gloire (Le Retour du Jedi sort aussi en 1984), pour interpréter un rôle finalement assez peu présent, celui d'une épouse capricieuse. Pas de regret pour autant : Lisa a la place qu'elle mérite, rejoignant d'autres personnages de second plan tout aussi marquants - l'un d'eux étant interprété avec beaucoup de présence par Harvey Fierstein.
Parlons en des acteurs. Ils sont tous très bons. On n'avait pas l'habitude de voir Ron Silver dans un rôle aussi doux, lui dont le visage anguleux et le regard sévère lui ont valu d'interpréter plus d'une fois les bad guys ou les hommes durs. Ici, il dégage une fragilité touchante associée à une détermination sans faille. Quant à Anne Bancroft, elle est exceptionnelle. On l'a oubliée, Anne Bancroft mais quelle actrice elle était ! Dans le rôle d'Estelle, elle déborde d'une énergie communicative qui emporte le spectateur, passant de la comédie au drame avec justesse. Elle délivre notamment un monologue de 7 minutes en une prise qui nous serre la gorge et qui aurait mérité un Oscar, comme le fait justement remarquer le journaliste Christophe Narbonne dans un entretien passionnant en bonus.
Fin connaisseur de New York, dont il a montré plus d'une fois la dureté (Serpico, Un après-midi de chien...), Lumet enrobe cette fois-ci la métropole dans une sorte d'halo de douceur. Les Newyorkais sont des grandes gueules souvent mal lunées mais ils révèlent leur bon fond. Quant à la métropole, elle prend des airs provinciaux, presque enchanteurs, même si le cinéaste s'amuse à transformer une zone décrépie avec un junkie zombie en un quartier bohème. A la recherche de Garbo évoque par bien des aspects un film de Woody Allen, en moins bavard, moins sophistiqué, moins cynique. L'ami Travis Bickle avait d'ailleurs fait le rapprochement avec La Rose pourpre du Caire pour la façon dont Lumet se livre tout en signant une déclaration d'amour au cinéma mais il en parle mieux que moi. C'est d'ailleurs étonnant de voir à quel point Greta Garbo représentait alors une icône pour les habitants de la Grosse Pomme. Quelle gloire hollywoodienne pourrait aujourd'hui faire l'objet d'une même vénération alors qu'elle n'occupe plus le devant de la scène ?
Pour toutes ces raisons, ne passez pas à côté de ce délicieux bonbon cinématographique qu'est A la recherche de Garbo.
Anderton
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