En salle (le 18 janvier) : Fou. Babylon est un film fou. Et c'est fou qu'Hollywood, en l'occurrence Paramount, puisse encore produire des films comme ça. Damien Chazelle a réalisé une fresque monumentale et excessive, habitée par les interprétations de Brad Pitt, Margot Robbie et Diego Calva.
Direction la Californie, dans les années 1920. Le cinéma est encore un enfant du cirque, tapageur, mal élevé, inventif, qui n'hésite pas à malmener ses jouets. Il s'apprête à pousser son premier cri : en devenant parlant, le cinéma ne sera plus le même. Damien Chazelle nous raconte ce moment clé à travers une galerie de personnages, dont la star Jack Conrad, l'actrice débutante Jane Thornton et Manny Torres, un migrant mexicain bien décidé à réussir dans ce divertissement.
Chazelle raconte les temps pionniers et le passage au stade industriel d'un art qui s'invente en permanence, attirant les foules en salles et les apprentis comédiens sur les plateaux, faisant pleuvoir les dollars et neiger de la coke, sous le soleil éternel de la Californie. Pour rendre compte de la folie qui s'empare de celles et ceux qui tournent à et autour de ce qui n'est pas encore Hollywood, le cinéaste ne fait pas dans la demi-mesure. Comme un éléphant lâché dans un magasin de porcelaine, ou plutôt dans une orgie, son film bouscule et perturbe le spectateur à un rythme frénétique. C'est hénaurme, drôle, émouvant, too much, parfois dégueu.
Le premier mouvement du film suscite l'exaltation. Comédie virevoltante, ponctuée de morceaux de bravoure. Puis Damien Chazelle nous donne à voir l'envers du décor. Exploitation des artistes, mépris de classe, ravages de l'alcool et de la drogue. Une plongée dans un cloaque aussi inquiétant que repoussant. Babylon prend une tournure désabusée. Don't believe the hype. Vision cauchemardesque de l'usine à rêves qui devient machine à broyer les êtres. Les personnages n'en sortent pas indemnes, ni les spectateurs qui sont d'ailleurs amenés à se poser des questions sur leur propension à applaudir un jour puis siffler un autre. Jusqu'à un final radical, ode au cinéma, à la salle et à ceux qui les vénèrent. Chazelle convoque nos souvenirs, fait jaillir nos émotions.
Trio magique
Dans cette montagne russe esthétique et émotionnelle, nous accompagnons un formidable trio d'acteurs. Brad Pitt prête son physique hollywoodien et son aura mythique à une star du muet qui tente de survivre à l'ère du parlant. A l'aise dans les scènes de comédie, Brad devient bouleversant quand il fait tomber le masque, révélant la fragilité de l'artiste. Margot Robbie se donne à fond : elle transmet une énergie folle à son personnage, une jeune femme prête à tout, talentueuse, inconséquente, et bientôt dépassée. Diego Calva a le difficile rôle de nous introduire dans ce palais des délices et des vices. Son regard ébahi ou offusqué, c'est le nôtre. Il incarne la normalité au sein de cette gigantesque mad house. Le comédien nous touche par l'innocence et la bonté qu'il transmet à Manny. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, incarnés par des comédiens inspirés : Tobey Maguire, Jean Smart, Lukas Haas, Jovan Adepo (qu'on a hâte de revoir), Li Jun Li, Jeff Garlin, Max Minghella, Eric Roberts. Spike Jonze et Flea des Red Hot Chili Peppers sont également au générique.
Les trois heures et quelques du film passent à toute vitesse. Nous sommes emportés par les images et le score ample et vibrant signé Justin Hurwitz. Avec Babylon, Damien Chazelle réussit là où David O. Russell avec Amsterdam a échoué. Les lumières se rallument. Que vient-on de voir ? Comment est-ce possible ? Beaucoup de questions, un grand sourire et un mantra qu'on répète en boucle : vive le cinéma !
Anderton
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