Film fou furieux (lire notre chronique), Babylon s'ouvre sur une fête ahurissante dans une immense villa plantée au sommet d'un promontoire isolé. Un site qui m'a fait penser au Hearst Castle, situé à San Simeon, à quelques miles de la mythique Pacific Coast Highway qui longe l'océan entre Los Angeles et San Francisco. Petite visite guidée d'un domaine hors norme qui a attiré le tout Hollywood pendant les années folles et inspiré le Xanadu de Citizen Kane.
A l'origine, le site est acquis au milieu du XIXe siècle par George Hearst, un homme d'affaires qui a fait fortune en exploitant des mines. Le bonhomme y amène sa famille pour camper. Son fils, William Randolph Hearst, devient un magnat de la presse versé dans la politique - il inspirera le personnage joué par Orson Welles dans Citizen Kane. Multimillionnaire, il confie à l'architecte Julia Morgan la construction d'un château dans lequel il pourra mettre en valeur son importante collection d'oeuvres d'art issues principalement de l'antiquité, du moyen-âge et de la Renaissance. Les travaux s'étalent de 1919 à 1947.
Hearst Castle est une folie architecturale dans laquelle l'authentique côtoie l'imitation, le béton fusionne avec le marbre. Cet endroit hors du temps est aujourd'hui un musée qui mérite d'être visité tant le site impressionne, déconcerte.
Hearst Castle est doté de deux immenses piscines, une extérieure (The Neptune Pool) et une intérieure (The Roman Pool), ainsi que d'un court de tennis, autant d'équipements rares - et recherchés - dans les années 1920. La vidéo de G.U.Y., de Lady Gaga, y a été tournée en 2014. Stanley Kubrick y a filmé quelques scènes de Spartacus (1960). Le parc est à l'époque arpenté par des hordes d'animaux : vaches, chèvres, poules pour la consommation maison mais aussi antilopes, chameaux et zèbres. Il y a même un éléphant (comme dans Babylon) !
W.R. Hearst a invité le gotha à son domaine. C'était toute une expédition pour s'y rendre et pour gravir la route sinueuse qui menait aux bâtiments. A l'intérieur de la Casa grande, d'immenses salles accueillait des invités tels que Charlie Chaplin, Clark Gable, Cary Grant, les Marx Brothers ou Winston Churchill. Un cocktail était servi à 19h30 pétantes avant le dîner à 21h. Malgré une cave comprenant 7000 bouteilles, l'alcool était rationné à la propriété : un cocktail par personne et interdiction d'en boire dans les chambres.
Sur une immense table qui rappelait les banquets médiévaux, on servait faisans, canards et gibiers. L'opulence n'empêchait pas le maître des lieux de filer à ses invités des serviettes en papier. Aujourd'hui encore, sur la table dressée, trônent bouteille de ketchup et pot de mayonnaise. Clash des civilisations.
Après le dîner, l'assemblée se retrouvait pour jouer au billard ou aux cartes. Et la soirée se terminait dans la salle de cinéma, où Hearst faisait projeter soit des films réalisés par sa société de production, soit des films tournés dans la journée sur le domaine. Les touristes actuels peuvent y découvrir des images de Charlie Chaplin jouant au tennis et faisant des grimaces.
Les artistes invités se produisaient de (plus ou moins) bonne grâce, récitant des poésies ou des extraits de pièces de théâtre, poussant la chansonnette ou réalisant quelques pas de danse. Pas de fêtes délurées, ni d'orgies au Hearst Castle, ce n'était pas le genre du maître des lieux. D'ailleurs, toute incartade à son strict règlement intérieur entraînait le renvoi sur le champ du contrevenant. Pas la même ambiance que dans la villa de Babylon. Quant à la golden shower qui vire au tragique, au début du film de Damien Chazelle, elle est inspirée par un drame qui a mis un terme à la carrière de la star Fatty Arbuckle. Mais ceci est une autre histoire.
Cet endroit hallucinant, hautement cinématographique, n'a accueilli que les deux tournages évoqués plus haut. Nul doute que Damien Chazelle s'est inspiré du lieu pour son incroyable ouverture.
Anderton
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