En salles : Autant le reconnaître tout de suite, les frères Taviani – 164 ans au compteur tous les deux ! - ont longtemps disparu des radars de la cinéphilie. En gros, depuis leur grand oeuvre sur le tournage d'Intolérance de Griffith, Good Morning Babylonia (1987), on les croyait perdus dans des euros-pudding sans saveur – Le Soleil même la nuit, d'après Tolstoï avec Charlotte Gainsbourg et Nastassja Kinski (1989), Les Affinités électives, d'après Goethe, avec Isabelle Huppert et Jean-Hugues Anglade (1996). Puis vint cet Ours d'Or berlinois en février 2012, attribué à leur dernier film, 35 ans après leur Palme d'Or cannoise pour Padre Padrone. Un coup d'éclat, qui vient subitement nous rappeler que les frères Taviani, outre Padre Padrone, c'est aussi 3 chefs d'oeuvre absolus : Le Pré (1979), La Nuit de San Lorenzo (1982), et Kaos (1984). Rarement cités, complètement perdus dans les limbes du cinéma.
Attentes déjouées
Avec César doit mourir (Cesare Deve Morire), ils reviennent en force, en changeant radicalement d'univers et de méthode. Et déjouent toutes les attentes. A priori film social – le film suit les répétitions et la représentation de la pièce de Shakespeare Jules César par une troupe de détenus à la prison de Rebibbia, dans le centre de Rome – César doit mourir abandonne très vite la voie du documentaire. Les premiers plans saisissent le final de la pièce, en plans serrés sur les visages, dominés par le rouge sang des rideaux, pour peu à peu, dans le cours d'un long et paisible flash-back en noir et blanc, nous faire remonter à la source du projet initié IRL par le metteur en scène Fabio Cavalli, aux débuts des répétitions. Mise en scène du réel, donc, redoublée par un sens des dialogues très écrits. Ce qui permet au film d'échapper à la fois aux clichés du réalisme social, et en même temps, d'établir des correspondances entre la pièce et le quotidien des prisonniers – amitiés, trahisons, peurs. Le réel ritualisé, en somme.
3 heures condensées en 1h15
Mais ce qui fait tout le prix de son caractère novateur et quasi-expérimental, c'est qu'il n'échappe pas non plus totalement à son aspect documentaire et humaniste. En s'attachant à ces quelques prisonniers acteurs amateurs, les Taviani débusquent leur personnalité, en se focalisant notamment sur leurs dialectes (napolitain, sicilien, Pouilles) et leurs trajectoires. Et les magnifient à travers une réalisation qui mise tout sur le gros plan, le noir et blanc et le montage. A telle enseigne qu'une pièce de près de 3 heures, (déjà portée à l'écran par Mankiewicz, avec Marlon Brando et James Mason) sans les répétitions, aboutit à un film d'1H15 ! Sans que l'oeuvre de Shakespeare soit dénaturée. Au contraire : en scénarisant et filmant les répétitions à l'intérieur de la centrale, les Taviani revitalisent le dramaturge. Et lui redonnent une portée universelle, malgré l'absurdité du cadre, l'exiguité des locaux, et les contraintes des moyens.
Sourde mélancolie du saxo
Enfin, il faudrait parler du soin apporté à la musique, signée par l'un des fils Taviani. Dominée par des accents de saxo, elle porte en elle une sourde mélancolie, à l'image du plan final qui voit un des acteurs de la troupe, après la représentation, revenu dans sa cellule, déclarer face caméra : « Depuis que j'ai connu l'art, cette cellule est devenue une prison ». Brutal comme un tomber de rideau, et profondément émouvant.
Travis Bickle
Avec César doit mourir (Cesare Deve Morire), ils reviennent en force, en changeant radicalement d'univers et de méthode. Et déjouent toutes les attentes. A priori film social – le film suit les répétitions et la représentation de la pièce de Shakespeare Jules César par une troupe de détenus à la prison de Rebibbia, dans le centre de Rome – César doit mourir abandonne très vite la voie du documentaire. Les premiers plans saisissent le final de la pièce, en plans serrés sur les visages, dominés par le rouge sang des rideaux, pour peu à peu, dans le cours d'un long et paisible flash-back en noir et blanc, nous faire remonter à la source du projet initié IRL par le metteur en scène Fabio Cavalli, aux débuts des répétitions. Mise en scène du réel, donc, redoublée par un sens des dialogues très écrits. Ce qui permet au film d'échapper à la fois aux clichés du réalisme social, et en même temps, d'établir des correspondances entre la pièce et le quotidien des prisonniers – amitiés, trahisons, peurs. Le réel ritualisé, en somme.
3 heures condensées en 1h15
Mais ce qui fait tout le prix de son caractère novateur et quasi-expérimental, c'est qu'il n'échappe pas non plus totalement à son aspect documentaire et humaniste. En s'attachant à ces quelques prisonniers acteurs amateurs, les Taviani débusquent leur personnalité, en se focalisant notamment sur leurs dialectes (napolitain, sicilien, Pouilles) et leurs trajectoires. Et les magnifient à travers une réalisation qui mise tout sur le gros plan, le noir et blanc et le montage. A telle enseigne qu'une pièce de près de 3 heures, (déjà portée à l'écran par Mankiewicz, avec Marlon Brando et James Mason) sans les répétitions, aboutit à un film d'1H15 ! Sans que l'oeuvre de Shakespeare soit dénaturée. Au contraire : en scénarisant et filmant les répétitions à l'intérieur de la centrale, les Taviani revitalisent le dramaturge. Et lui redonnent une portée universelle, malgré l'absurdité du cadre, l'exiguité des locaux, et les contraintes des moyens.
Sourde mélancolie du saxo
Enfin, il faudrait parler du soin apporté à la musique, signée par l'un des fils Taviani. Dominée par des accents de saxo, elle porte en elle une sourde mélancolie, à l'image du plan final qui voit un des acteurs de la troupe, après la représentation, revenu dans sa cellule, déclarer face caméra : « Depuis que j'ai connu l'art, cette cellule est devenue une prison ». Brutal comme un tomber de rideau, et profondément émouvant.
Travis Bickle
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