En salles : Demain, sort Coldwater, un film de Vincent Grashaw, jeune monteur et producteur américain, qui réalise ici son premier long métrage.
Le jeune Brad Lunders part un peu en vrille depuis la mort de son père : il s’embrouille avec son beau-père, vend de la dope et multiplie les délits... Sa mère décide alors de l’envoyer dans un centre de redressement pour mineurs, Coldwater. Dirigé par un ancien marine, le colonel Franck Reichert, le centre est censé remettre ces jeunes "à problèmes" dans le droit dans le chemin, en leur inculquant valeurs et discipline. Et pour arriver à cette fin, tous les moyens sont bons, à Coldwater. Cette expérience va totalement bouleverser la vie de Brad.
Avec son pitch de départ assez simple, Grashaw réalise un film à charge contre ces centres de redressement pour mineurs, où des dizaines d’adolescents américains ont déjà perdu la vie depuis les années 80. Un sujet intéressant et une volonté louable, donc, mais... ça ne suffit pas. Coldwater est un film assez inégal : certaines choses "fonctionnent" bien ; d’autres, nettement moins. Voici donc un nouveau top 3 / flop 3 : les raisons pour lesquelles on peut aller voir ce film, et celles qui pourraient plutôt nous décider à aller voir autre chose, à un moment où il y a, enfin, de très bons films en salle, après un début 2014 assez poussif.
Top 3
1) Le casting, très réussi : avec évidemment, une mention toute spéciale au jeune P.J. Boudousqué. Quasi-sosie de Ryan Gosling (même allure, même visage, même regard inexpressif et buté "à la Drive", qui s’éclaire quand il sourit), Boudousqué impressionne pour son premier rôle au cinéma. Il est presque parfait, même s’il est, d’une certaine manière, desservi par cette ressemblance troublante avec le beau gosse canadien : difficile en effet d’exister en tant qu’acteur quand on exactement la même gueule et la même dégaine de la plus grosse star masculine de ces dernières années. Et puis, soyons francs, Boudousqué, ça claque un peu moins que Gosling. Un peu comme si une jeune actrice ressemblant très fortement à Léa Seydoux s’appelait Marie-France Grosdidier, par exemple... Les autres jeunes acteurs sont également très convaincants, notamment Chris Petrovski (dans le rôle de Nunez, le copain d’enfance de Lunders), et Clayton LaDue, très bon dans un petit rôle (Trevor, un jeune détenu).
2) Le sujet, passionnant : cette question des centres de redressement pour mineurs est prégnante aux Etats-Unis. Lorsque leurs enfants dérapent, certains parents, dépassés par leur situation, y voient un dernier recours. Ils pensent alors bien faire, en envoyant leurs enfants dans ces centres, en espérant sans doute les retrouver "comme avant". Ce qui n’arrive pas. Pas besoin d’avoir fait des études de socio pour savoir qu’on ne "s’améliore" pas en étant enfermé, brimé, maltraité.
3) Une scène d’émeute, puissante : en une scène, particulièrement réussie, Grashaw démontre l’échec patent des centres de redressement comme Coldwater : pour redresser ces jeunes, on essaye de les faire plier. L’effet obtenu est souvent contraire à l’effet recherché : les inmates accumulent rage, colère, et ressentiment. Et lorsqu’ils se rebellent, c’est animés d’une violence, d’une sauvagerie quasi-animale.
Flop 3
1) Un scénario un peu alambiqué : Grashaw a un sujet fort. Une équipe d’acteurs prometteurs. Pourquoi donc a-t-il voulu rajouter des astuces scénaristiques, le plus souvent prévisibles, qui n’apportent rien au film ? Las, ces coups de théâtre ont au contraire un effet négatif : ils déplacent le focus sur des détails, et nuisent ainsi à la force du propos central. Coldwater tend alors vers l’affaire Clearwater, et c’est bien dommage. Grashaw a écrit et réécrit son scénario pendant près de 15 ans avant de le réaliser. Il aurait peut-être dû se contenter de la première mouture...
2) Un côté caricatural : certains personnages manquent cruellement de nuances. Deux exemples, simplement, pour illustrer cette tendance : le chef de Coldwater, le colonel Frank Reichert : évidemment, c’est un ancien marine. Evidemment, sa femme s’est barrée, et son fils s’est suicidé. Evidemment, il picole... Très bien, on a compris le genre. Ou encore le médecin, ancien détenu héroïnomane qui laisse passer les nombreuses exactions commises dans le centre pour pouvoir continuer à avoir de la dope... Tout ça manque singulièrement de nuances. Grashaw n’a manifestement pas lu 50 nuances de gris (en même temps, je le comprends, moi non plus).
3) Une scène de torture, aussi pénible qu’inutile. Pour bien nous faire comprendre le sadisme des méthodes de Coldwater, Grashaw filme une scène de torture. Montrer des scènes dures lorsqu’elles apportent vraiment quelque chose au film, OK (je pense notamment à Zero Dark Thirty, avec les excellents Reda Kateb, Jessica Chastain, et Jason Clarke). Ici, la scène est inutile, on n’apprend rien, ça ne sert à rien... Oh, Vincent, on avait compris que c’était pas exactement le club Med, Coldwater (même pas d’eau chaude, en plus...).
Au final, Coldwater est un film assez intéressant, mais qui souffre d’un certain nombre de petites faiblesses qui en font, pour moi, un film plutôt moyen. Je suivrai néanmoins les carrières de P.J. Boudousqué (le Canada Dry de Ryan Gosling) et du réalisateur Vincent Grashaw avec attention.
Fred Fenster
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