Artistes : Il n'a jamais été reconnu comme un grand réalisateur, ses films sont quasiment absents des catalogues DVD ou BR, et il a pourtant fait les beaux jours du cinéma américain des années 70. Paul Mazursky, qui vient de décéder à l'âge de 80 ans, laisse une œuvre pourtant très personnelle, marquée par un sens aigu de la satire sociale, un ton chaleureux, et un regard juste et parfois acerbe sur la classe moyenne américaine. Sans compter son regard pétri d'admiration et d'amour pour les femmes.
Très inspiré par le cinéma européen, et notamment français – il signe deux variations de chefs-d'oeuvre du cinéma français, Jules et Jim avec Willie and Phil en 1979, et de Boudu sauvé des eaux avec Le Clochard de Beverly Hills en 1986 – Paul Mazursky laisse une filmographie d'inspiration allenienne, qui reste un témoignage sur une époque, et qui, malgré ses défauts et en raison de ses qualités d'écriture et de narration, mérite d'être redécouverte.
Bob et Carole et Ted et Alice (1969). Sûrement son film le plus célèbre, car basé sur un malentendu. Là où certains y virent une apologie de l'amour libre et de la libération sexuelle, il n'en était qu'une critique des conventions petites-bourgeoises et de l'incompréhension d'une classe à l'égard des mouvements libertaires post-68. Même s'il n'égale pas la force satirique d'un Taking Off de Milos Forman, tourné à la même époque, il reste un témoignage savoureux sur l'époque. Et puis, comment ne pas y tomber amoureux de Nathalie Wood !
Next stop Greenwich Village (1976). 35 ans avant Inside Llewyn Davis, c'était le premier film à explorer la vie de bohême telle qu'elle était menée dans le New York des années 50. Chronique douce-amère, qui connut un beau succès en son temps, centrée sur un protagoniste aux prises d'une mère envahissante (Shelley Winters) et de ses premières affres sentimentales, elle permet de découvrir quelques visages qui n'allaient pas tarder à émerger quelques temps après : Christopher Walken, Jeff Goldblum ou Antonio Fargas. Drôle, satirique, extravagant, et poignant.
La Femme libre (1978). Son plus gros succès critique et commercial, couronné d'un Prix d'interprétation féminine à Cannes pour Jill Clayburgh en 1978. Souvent à tort assimilé comme une œuvre féministe, c'est surtout un portrait tout en finesse d'une femme mûre, qui à la faveur de son divorce, se retrouve face à ses impasses sociales et sentimentales.
Willie and Phil (1979). Variation sur Jules et Jim, explicitement cité au début du film, cette histoire d'amour est centrée sur un trio de trois acteurs désormais disparus des radars, Margot Kidder, Michael Ontkean et Ray Sarkey. Avec ce film, il magnifie ce qui constitue l'un des fils rouges de son œuvre, les impasses de l'amour libre. Et le portrait de la génération post-hippie. Non sans un certain talent d'écriture, à défaut d'une mise en scène solide et charpentée.
La Tempête (1982). Casting en or massif (John Cassavetes, Gena Rowlands, Raul Julia, Susan Sarandon, Vittorio Gassman) pour cette adaptation de Shakespeare dont l'action a été transposée de nos jours dans une île grecque. Pas toujours réussi, mais quelques belles fulgurances.
Le Clochard de Beverly Hills (1986). Fallait être gonflé pour moderniser et transposer Boudu sauvé des eaux (1932, Jean Vigo) en Californie ! Pari à demi-réussi, surtout grâce à l'abattage des acteurs : Nick Nolte, Richard Dreyfuss, et surtout l'hénaurme Bette Midler !
Enemies (1989). Son meilleur film ? Derrière l'adaptation du roman d'Isaac Bashevis Singer se cache le film le plus intimiste de Mazursky, celui dans lequel il livre le plus de clés : son amour pour New York, sa judéité complexe à la Woody Allen, son amour immodéré pour les femmes, son goût pour le tragique et la comédie. Magnifique reconstitution du New York de l'après-guerre. Avec une Angelica Huston dans un rôle bouleversant, celui d'une rescapée de la Shoah, que l'on croyait morte, et qui réapparaît dans la vie sentimentale tourmentée de son mari.
Scènes de ménage dans un centre commercial (1991). Satire sur le couple, variation sur un thème archi-rebattu pour Mazursky, mais qu'il offre à un duo explosif : Woody Allen et Bette Midler. De très bonnes répliques pour un film somme toute mineur, long sketch sans véritable colonne vertébrale.
La suite de ses films ne sortira que dans l'indifférence générale, avant son décès, le 1er juillet 2014, à l'âge de 80 ans. Signalons qu'il a débuté comme acteur chez... Stanley Kubrick (Fear and Desire), avant de poursuivre dans la même voie, comme acteur de second plan, dans la plupart de ses films, et ceux de Brian de Palma (Carlito's way en 1993) ou de John Landis (Série noire pour une nuit blanche, en 1986, avec Michelle Pfeiffer).
photo : New York Times
Travis Bickle
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire