Artistes : Alfonso Cuarón, Guillermo Del Toro et Alejandro González Iñárritu. Trois cinéastes mexicains qui en quelques années ont signé plusieurs chefs-d'oeuvre, souvent acclamés et multi-récompensés, tout en bousculant les codes du cinéma. Le trio est soudé par une amitié indéfectible qui nourrit leur oeuvre. Un autre trio, français celui-là (Jean-Pierre Lavoignat, Christophe d'Yvoire et Cyril Bron), leur a consacré trois formidables documentaires ("Three, that's the magic number", clamait De La Soul) baptisés 3 Amigos, le surnom donné aux cinéastes aux Etats-Unis. Projetés au Festival Lumière 2018, ils sont également diffusés sur OCS City. Deuxième partie consacrée à Alfonso Cuarón.
Des Tres Musqueteros (surnom de la bande au Mexique), Alfonso Cuarón est certainement le plus inclassable, comme le pointe Jean-Pierre Lavoignat. Difficile de trouver un fil conducteur dans ses choix de réalisation, si ce n'est "le goût du risque et un désir d'absolu". Avec une constance dans sa mise en scène : le recours au plan séquence, qui permet selon le cinéaste de respecter l'intégrité du temps et de l'espace.
La cinéphilie de Cuarón s'est développée devant la télévision. La découverte du Voleur de bicyclette (Vittorio de Sica, 1948) provoque en lui un choc. Alfonso sera cinéaste. Il dévore les films, fréquente les ciné-clubs, étudie le 7e art à la fac, où il se lie d'amitié avec Emmanuel Lubezki. Lequel deviendra directeur de la photographie et travaillera avec Cuarón et Iñárritu (mais aussi Malick, Burton...).
Ensemble, Cuarón et Lubezki travaillent sur quelques épisodes d'une série TV fantastique mexicaine : Hora Marcada. Lors du tournage, Cuarón rencontre Guillermo Del Toro : les deux hommes se connaissent de réputation et se jalousent un peu. "Tu as copié une histoire géniale de Stephen King, annonce Del Toro. Alors pourquoi ton épisode est-il aussi mauvais ?" Et contre toute attente, Cuarón acquiesce. Les deux larrons deviennent potes à vie. Ils progressent pas à pas dans le milieu du cinéma, de petit job à l'assistanat puis enfin, la réalisation. "Nous sommes des prolétaires du cinéma, résume Cuarón, alors qu'Alejandro est un prince" car il a débuté directement en créant son agence de pub. C'est Alfonso qui présentera d'ailleurs Alejandro à Guillermo.
Uniquement avec ton partenaire (1991) est le premier long-métrage d'Alfonso. Repéré par Sydney Pollack, le cinéaste part travailler à Hollywood, réalisant La Petite princesse (1995) et De grandes espérances (1998). Deux films très stylisés, trop même selon Cuarón, qui en perd son amour pour le cinéma. Lui, le cinéphile insatiable !
Comme pour Guillermo Del Toro, la frustration née de cette première expérience hollywoodienne l'incite à réinventer son cinéma. Retour au Mexique. Avec Y tu mama también (2001), Cuarón redevient scénariste, producteur et même monteur de son propre film. D'un point de vue esthétique, il décide de se soumettre à la réalité, fini le baroque des ses deux oeuvres précédentes. L'occasion également d'aborder l'impact des différences sociales et des rapports de classe, un thème qui traverse sa filmographie. Iñárritu lui recommande Gael Garcia Bernal, qu'il a fait jouer dans Amours chiennes. Lequel suggère à son tour le nom de Diego Luna, un ami d'enfance, un quasi-frère. Le cinéma mexicain est une affaire de famille. Succès du film, prix d'interprétation masculine pour le duo à la Mostra... la carrière de Cuarón est relancée.
Pourtant, son projet d'adapter Les Fils de l'homme s'enlise. Nouvelle période de vaches maigres, comme il en connaîtra souvent dans sa carrière. Cuarón reçoit alors le scénario de Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban (2004). Alors qu'il s'en moque auprès de Guillermo Del Toro, ce dernier lui conseille d'être moins arrogant et de lire les livres avant de parler. Cela sert aussi à ça, les amis ! Alfonso s'exécute et tombe sous le charme. Dès lors, son défi est de respecter l'univers de J.K. Rowling tout en se l'appropriant. Ce tournage sera, selon ses mots, son "kindergarten", sa cour d'école pour apprendre à se servir des effets spéciaux.
L'immense succès du film, considéré comme l'un des meilleurs de la saga, permet de relancer Les Fils de l'homme (2006). Il aborde cette histoire de science-fiction comme une oeuvre réaliste, recourant au plan séquence et au grand angle, dont "la dimension organique apporte de la consistance" aux scènes. La même année, Del Toro sort La Labyrinthe de Pan et Iñárritu, Babel. Reconnaissance internationale, dans les médias comme au Festival de Cannes. Les Three Amigos sont nés.
Cuarón veut retravailler à Hollywood. Avec son fils Jonas, il écrit le scénario de Gravity en trois semaines. Il faudra pourtant quatre ans pour que le film sorte en salle. Le "petit film" inspiré d'Un condamné à mort s'est échappé (Robert Bresson, 1956) est devenu une super-production avec acteurs stars et déluge d'effets spéciaux. "Je n'ai pas voulu regarder 2001 sinon j'aurais été paralysé, explique Cuarón. C'est comme prendre une douche avec Rocco...", "Siffredi !", complète Lavoignat, hilare.
Avec Roma (2018), Cuarón a souhaité renouveler sa façon de faire des films, tentant de mettre de côté les nombreuses influences cinématographiques qui l'habitent. Une réinvention qui passe à nouveau par un retour au Mexique.
Un petit regret : le cinéaste n'explique pas pourquoi il a choisi de faire appel à Netflix pour réaliser son long-métrage. Mais après tout, ce documentaire nous donne la réponse. Cuarón ne se focalise pas sur une forme ou un moyen de diffusion. Avec ses deux compères, il évolue pour mettre l'image au service du langage. Avec une différence de taille, qu'il explique : "Guillermo et Alejandro considère leurs films comme des enfants", ils reviennent dessus, proposent des nouvelles éditions vidéo avec des nouveaux commentaires, etc. Lui, ne revient pas sur le passé. "Mes films sont comme mes anciennes petites amies", dit-il : c'était bien mais c'est fini. "Belle image", commente Lavoignat. "Mais elle est triste", sourit le cinéaste.
Ne manquez pas 3 Amigos - Alfonso Cuarón diffusé sur OCS City dimanche 14 octobre à 13h10. Il sera suivi d'une diffusion des Fils de l'homme à 20h40.
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Ensemble, Cuarón et Lubezki travaillent sur quelques épisodes d'une série TV fantastique mexicaine : Hora Marcada. Lors du tournage, Cuarón rencontre Guillermo Del Toro : les deux hommes se connaissent de réputation et se jalousent un peu. "Tu as copié une histoire géniale de Stephen King, annonce Del Toro. Alors pourquoi ton épisode est-il aussi mauvais ?" Et contre toute attente, Cuarón acquiesce. Les deux larrons deviennent potes à vie. Ils progressent pas à pas dans le milieu du cinéma, de petit job à l'assistanat puis enfin, la réalisation. "Nous sommes des prolétaires du cinéma, résume Cuarón, alors qu'Alejandro est un prince" car il a débuté directement en créant son agence de pub. C'est Alfonso qui présentera d'ailleurs Alejandro à Guillermo.
Pourtant, son projet d'adapter Les Fils de l'homme s'enlise. Nouvelle période de vaches maigres, comme il en connaîtra souvent dans sa carrière. Cuarón reçoit alors le scénario de Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban (2004). Alors qu'il s'en moque auprès de Guillermo Del Toro, ce dernier lui conseille d'être moins arrogant et de lire les livres avant de parler. Cela sert aussi à ça, les amis ! Alfonso s'exécute et tombe sous le charme. Dès lors, son défi est de respecter l'univers de J.K. Rowling tout en se l'appropriant. Ce tournage sera, selon ses mots, son "kindergarten", sa cour d'école pour apprendre à se servir des effets spéciaux.
L'immense succès du film, considéré comme l'un des meilleurs de la saga, permet de relancer Les Fils de l'homme (2006). Il aborde cette histoire de science-fiction comme une oeuvre réaliste, recourant au plan séquence et au grand angle, dont "la dimension organique apporte de la consistance" aux scènes. La même année, Del Toro sort La Labyrinthe de Pan et Iñárritu, Babel. Reconnaissance internationale, dans les médias comme au Festival de Cannes. Les Three Amigos sont nés.
Cuarón veut retravailler à Hollywood. Avec son fils Jonas, il écrit le scénario de Gravity en trois semaines. Il faudra pourtant quatre ans pour que le film sorte en salle. Le "petit film" inspiré d'Un condamné à mort s'est échappé (Robert Bresson, 1956) est devenu une super-production avec acteurs stars et déluge d'effets spéciaux. "Je n'ai pas voulu regarder 2001 sinon j'aurais été paralysé, explique Cuarón. C'est comme prendre une douche avec Rocco...", "Siffredi !", complète Lavoignat, hilare.
Avec Roma (2018), Cuarón a souhaité renouveler sa façon de faire des films, tentant de mettre de côté les nombreuses influences cinématographiques qui l'habitent. Une réinvention qui passe à nouveau par un retour au Mexique.
Un petit regret : le cinéaste n'explique pas pourquoi il a choisi de faire appel à Netflix pour réaliser son long-métrage. Mais après tout, ce documentaire nous donne la réponse. Cuarón ne se focalise pas sur une forme ou un moyen de diffusion. Avec ses deux compères, il évolue pour mettre l'image au service du langage. Avec une différence de taille, qu'il explique : "Guillermo et Alejandro considère leurs films comme des enfants", ils reviennent dessus, proposent des nouvelles éditions vidéo avec des nouveaux commentaires, etc. Lui, ne revient pas sur le passé. "Mes films sont comme mes anciennes petites amies", dit-il : c'était bien mais c'est fini. "Belle image", commente Lavoignat. "Mais elle est triste", sourit le cinéaste.
Ne manquez pas 3 Amigos - Alfonso Cuarón diffusé sur OCS City dimanche 14 octobre à 13h10. Il sera suivi d'une diffusion des Fils de l'homme à 20h40.
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