En salle : En une dizaine de films, Pierre Salvadori a imposé son style dans le cinéma français. Un style qui repose sur une écriture millimétrée, une mise en scène originale et une direction d'acteurs toute en finesse. Résultat : des films rythmés, dont chaque situation, chaque dialogue, chaque personnage fait mouche pour émouvoir le spectateur. Et le faire bidonner. Nouvelle illustration avec En liberté !, une comédie hilarante et touchante avec un quintet au top : Adèle Haenel, Pio Marmaï, Damien Bonnard, Audrey Tautou et Vincent Elbaz.
C'est l'histoire d'Yvonne, une policière qui veut réparer une injustice. Celle commise par Jean Santi, son mari, policier lui aussi, mort en héros, loué par les autorités et ses collègues, et dont elle découvre qu'il était ripoux. Lors d'une de ses combines, il a fait accuser un innocent qui a passé plusieurs années en prison. Lorsqu'Antoine sort de zonzon, Yvonne ne peut s'empêcher de le suivre, bien décidée à l'aider à retrouver une vie normale.
Ce qui frappe dans ce film, c'est sa justesse de ton. Et d'abord, celui du scénario, coécrit par Pierre Salvadori, avec Benjamin Charbit et Benoît Graffin. Dans la comédie, il peut y avoir la tentation de faire marrer à tout prix, quitte à caser une vanne ou un gag gratuit. Pas ici. Les événements s'enchaînent avec logique, dans le respect des situations et de la psychologie des personnages. Pour autant, ils prennent des tournures inattendues, qui surprennent le public et renforcent l'impact comique. Justesse des personnages ensuite. Jamais caricaturaux, ni uniformes, ils empruntent des chemins de traverse plutôt que le boulevard du rire, d'un pas tantôt vif et déterminé, tantôt hésitant. C'est qu'ils sont tous un peu paumés, la tête ailleurs, entre névrose et besoin d'amour. Yvonne et Antoine sont d'ailleurs incapables de voir l'amour qu'on leur porte. Un décalage qui donne lieu à des quiproquos et des malentendus bidonnants.
Juste et bidonnant
Juste et bidonnant
Justesse toujours, chez les comédiens. Ils ne cherchent pas à faire rire mais jouent les scènes avec naturel, sans exagérer les réactions. C'est ainsi que les larmes d'Adèle Haenel et d'Audrey Tautou parviennent autant à nous émouvoir qu'à nous faire exploser de rire. Et parfois dans la même scène ! La quête butée de la première et la tendresse exacerbée de la seconde nous touchent en plein coeur. Pio Marmaï joue un homme brisé, qui tente de se reconstruire mais se laisse dévorer par sa colère. Une espèce de brute attachante, à la Lino Ventura. Damien Bonnard incarne pour sa part un flic qui cache sous son attitude de cowboy un amoureux transi. Quant à Vincent Elbaz, il interprète toujours la même scène : la dernière intervention de Jean Santi, racontée différemment par sa femme. Pour le coup, il se rapproche plus de Bébel mais sans en faire des caisses.
Comme l'expliquait Philippe Martin, le producteur du film, au Showeb de rentrée, il y a quelques semaines, Pierre Salvadori "est allé assez loin pour organiser un chaos à la fois dans les événements mais aussi les sentiments". Il en résulte un film hilarant, trépidant et touchant, une comédie atypique et rare. Indispensable !
Anderton
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