lundi 1 octobre 2018

Scorpio : Delon-Lancaster, le crépuscule des espions

En DVD et Blu-ray : Le monde de l'espionnage n'a rien de glamour, ni d'honorable. Michael Winner nous le prouve avec Scorpio (1973), qui sort en vidéo dans un nouveau master haute définition chez ESC Distribution. L'occasion d'apprécier les retrouvailles de Burt Lancaster et d'Alain Delon.


Dix ans après Le Guépard, les deux hommes sont à nouveau réunis dans un film qui raconte lui aussi la disparition d'un monde où les hommes, bien qu'adversaires, vivaient selon un code d'honneur. Ce monde, c'est celui de l'espionnage. Cross (Burt Lancaster) et Paul Laurier (Alain Delon) réalisent une opération à Paris pour le compte de la CIA. De retour à Washington, le duo se quitte. Cross ignore que Laurier était censé l'abattre après leur mission. La CIA fait pression sur le Français, qui se met alors en chasse. Mais Cross parvient à s'enfuir.


Sur le même principe que Le Flingueur (The Mechanic, 1972), son précédent film, Michael Winner met en scène un mentor qui, après avoir formé son élève, en devient la cible. Pour échapper à Laurier et à ses anciens collègues de la CIA, Cross trouve de l'aide auprès d'un agent... du KGB. La guerre froide a laissé la place à une guerre floue. Scorpio raconte la fin des idéaux et d'un certain code de l'honneur. La politique, la bureaucratie et la soif de pouvoir ont corrompu le milieu du renseignement. Les trahisons viennent de l'intérieur.

Un duo au taquet

L'ambiance crépusculaire du film ainsi que l'approche réaliste de Michael Winner conviennent parfaitement au sujet. Le cinéaste se permet même de mettre en scène l'assassinat d'un chef d'Etat à la manière de celui de John F. Kennedy. Pour autant, rien à voir avec le documentaire : les séquences d'action sont réalisées avec efficacité. Celle qui se déroule dans les entrailles du métro viennois, comme un clin d'oeil à la célèbre séquence du Troisième homme (Carol Reed, 1949), montre d'ailleurs l'engagement de Lancaster et Delon. Lesquels ont réalisé eux-mêmes leurs cascades. Lancaster, alors âgé de 60 ans, court, saute, escalade, rappelant qu'avant d'être comédien, il a été un athlète hors pair. Au-delà des prouesses physiques, il apporte toute son intensité, toute sa hargne pour incarner un homme en pleine maîtrise de ses moyens, qui n'est pas prêt à jeter l'éponge. Face à lui, Delon joue une sorte de cousin de Jef Costello, le personnage qu'il incarnait dans Le Samouraï. Un cousin un peu plus souriant, un peu plus loquace mais tout aussi implacable. C'est lui le scorpion. Regard acier, magnétisme animal, Delon dans toute sa splendeur. 

Cette belle édition est complétée par une analyse du film par Olivier Père, critique de cinéma passé par La Quinzaine des réalisateurs puis le Festival de Locarno avant de prendre la tête d'Arte France Cinéma. Autre bonus très intéressant : un entretien avec Jean-Claude Missiaen qui, avant de devenir réalisateur de polars dans les années 80, s'occupa de la sortie du film. Ces deux témoignages remettent à l'honneur Michael Winner, trop souvent méprisé par la critique.

Anderton

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