Buzz : Rétrospective à la Cinémathèque du 24 octobre au 3 novembre, superbe coffret Blu-ray... Jean-Paul Rappeneau revient sous les projecteurs alors que son dernier film, Belles familles, date de 2015. Jérôme Wybon a consacré un formidable documentaire au cinéaste, Dans les pas de Jean-Paul Rappeneau, dans lequel il aborde sa méthode de travail. Le réalisateur de Cyrano y apparaît volubile, aussi exigeant qu'attachant. Interview.
Cineblogywood : Vous avez eu l’occasion d’interviewer Jean-Paul Rappeneau à plusieurs reprises, notamment pour des films proposés comme suppléments pour des sorties en vidéo. Depuis combien de temps vous entretenez-vous avec le cinéaste ?
Jérôme Wybon : La première fois, c’était en 2013 pour évoquer L’Homme de Rio, dont il est l’un des quatre coscénaristes, alors que le film sortait dans une nouvelle édition vidéo. Puis nous nous sommes revus pour les sorties du Magnifique, dont il a cosigné le scénario mais sans être crédité, La vie de Château et Tout feu tout flamme. Comme le courant passait bien – on a souvent ri lors de nos rencontres -, je lui ai proposé de réaliser un documentaire sur lui et il a accepté. Nous avons commencé le tournage l’année dernière.
Quelle était votre ambition ?
Je ne voulais pas faire un documentaire présentant sa carrière chronologiquement mais au contraire, évoquer des sujets précis : comment il aborde l’écriture, le découpage, son travail avec les comédiens, sa manière de traiter le mouvement… et tout cela avec des exemples. Cela nécessitait de faire des allées et venues dans ses films et permettre ainsi de découvrir des liens entre eux.
Dans votre film, le cinéaste se livre davantage, avec beaucoup d’émotion. Est-ce que cela a été simple de lui faire parler de sa vie ?
Oui car Jean-Paul Rappeneau est quelqu’un de très généreux en interview. Quant à sa vie personnelle, je me suis limité à des questions ayant un rapport avec ses projets. La jeunesse est au cœur de plusieurs de ses films, son amour du cinéma de cape et d’épée se retrouve également dans sa filmographie. J’ai interviewé ses deux fils [Julien, scénariste et Martin, compositeur, NDLR] car il travaille avec eux sinon je ne les aurais pas rencontrés. Jean-Paul Rappeneau m’a également confié ses tous premiers courts-métrages, que j’ai numérisés et dont j’ai intégré certains extraits dans mon film.
Ce qui apparaît dans votre film comme dans les précédents, c’est que Jean-Paul Rappeneau est quelqu’un d’à la fois très pudique et volubile, rigoureux et stressé mais aussi très enjoué…
Il est exigeant dans l’écriture et la fabrication de ses films, qu’il prépare de façon très méticuleuse, et en même temps c’est un homme exquis, avec lequel on rit vraiment. C'est un angoissé comme l'explique très bien son fils Julien. S’il peut y avoir des tensions parfois sur le plateau, c’est parce que ça ne va pas assez vite mais ce n’est pas un cinéaste qui recherche le conflit. On n'est pas chez Pialat. Son amour des acteurs est sans limite et il travaille souvent avec la même équipe technique. Ses collaborateurs le respectent beaucoup.
Comment expliquez-vous qu’il n’ait réalisé que huit longs-métrages au cours de sa carrière ?
Jean-Paul Rappeneau a besoin de temps pour écrire et préparer ses films. Mais ce n’est pas un cas isolé, Jacques Tati était également comme ça. Et puis il a aussi parfois travaillé sur des films qui ne se sont finalement pas faits. Il devait notamment réaliser un film sur la mode avec Catherine Deneuve et Isabelle Adjani. Cela fait donc deux ans de perdus, d’où parfois l’espacement entre deux dans sa filmographie.
Savez-vous ce qu’il fait pendant ces intervalles, qui ont duré entre quatre et douze ans ?
C’est un gros, gros bosseur. Il se met à sa table de travail, avec des horaires précis. Il va aussi voir beaucoup de films pour connaître les comédiens, se tenir au courant, par plaisir aussi. Il est par ailleurs très impliqué dans le cinéma français, il siège notamment à la Cinémathèque.
Chez Cineblogywood, on adore aussi Philippe de Broca. Il y a un cousinage entre les deux cinéastes. Leurs univers sont proches, la mélancolie en moins chez Rappeneau…
Rappeneau a travaillé sur beaucoup de films de Philippe de Broca, parfois sans être crédité. Ils ont parfois travaillé sur des projets identiques, je pense à Cyrano que de Broca voulait aussi adapter. L’Africain et Le Sauvage sont très proches… Cela a parfois été source de conflits et de brouilles passagères. Mais comme le disait de Broca, Rappeneau et lui étaient deux frères de cinéma.
A votre avis, y a-t-il encore des cinéastes français de cette trempe, capables de réaliser des grands films d’aventure et des comédies enlevées ?
Rappeneau a un style qu’on voit en effet assez peu dans le cinéma français mais il a des héritiers. Je pense notamment à Pierre Salvadori qui, comme Rappeneau, est proche de la screwball comedy.
Comment définiriez-vous le cinéma de Jean-Paul Rappeneau ?
C’est un cinéma de panache. Il y a une grâce dans chacun de ses films. Les acteurs ne sont jamais aussi bons et aussi beaux que chez Rappeneau : dans Le Sauvage, Catherine Deneuve est d’une beauté irréelle. Dans les films de Rappeneau, le ton est toujours juste car il a pris le temps de préparer ses sujets. Cyrano, un film en alexandrins en 1990, c’est un miracle.
Savez-vous si Jean-Paul Rappeneau travaille sur un projet de film ?
Il faut le lui demander mais je crois qu’il prépare un autre film, oui.
Disponible dans le coffret Blu-ray exclusif Fnac, Dans les pas de Jean-Paul Rappeneau sera projeté à la Cinémathèque ce vendredi 2 novembre à 20h30 puis diffusé sur Ciné+ en décembre.
Anderton
crédit photo : Jérôme Wybon / L'Atelier d'images
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire