En Blu-ray et DVD : Malgré son titre qui évoque une chanson des Beatles et son affiche qui pourrait promettre un Miss Daisy et son chauffeur inversé, Drive my car n'a rien d'une rom-com nippone. Adapté de l'oeuvre de Haruki Murakami, ce film de Ryusuke Hamaguchi fut l'un des coups de coeur du Festival de Cannes 2021, où il remporta le prix du meilleur scénario. Sa sortie en vidéo, chez Diaphana, accompagné d'un livret éclairant, permet de (re)plonger dans un récit délicat et sensible.
Kafuku est un homme meurtri, qui traverse l'existence avec un apparent détachement. Il garde en lui et pour lui ses blessures et des questions sur son passé. La pièce de Tchekhov entre étrangement en résonnance avec la vie de l'artiste. Il en apprend par coeur les répliques en écoutant l'oeuvre sur une cassette audio qu'il joue en boucle dans son autoradio. Sa femme a enregistré les dialogues de tous les rôles, laissant en blanc ceux d'Oncle Vania, que récite Kafuku de manière machinale.
Belle idée de croiser les vies des personnages de la pièce avec celles des personnages du film. Les mots de Tchekhov racontent ce que Kafuku n'ose exprimer, ou ce qu'il ne peut énoncer à voix haute qu'à travers un personnage de fiction. Ce thème de la communication brouillée, voire contrariée, est au coeur du film. Mari et femme se parlent à des moments incongrus ou dialoguent à distance par le biais d'un enregistrement sonore tandis que la pièce est interprétée par des comédiens qui ne parlent pas la même langue. Au volant, Misaki en apprend plus sur Kafuku en écoutant la pièce qu'en échangeant directement avec son passager. Cette communication imparfaite empêche les personnages d'exprimer ce qu'ils ont sur le coeur. Jusqu'à une séquence formidable où Kafuku et Misaki dînent chez le directeur du festival et son épouse sourde et muette.
Sentiments enfouis
Par le langage des signes, la jeune femme révèle des vérités et déverrouille les sentiments de ses invités. Kafuku fend l'armure et le film se laisse porter par une souffle émotionnel qui tranche avec les 90 premières minutes. J'ai même eu l'impression que c'est à partir de ce moment que la musique originale se fait entendre. Jusqu'alors, Hamaguchi avait fait primer les sons directs, sa mise en scène élégante traduisant l'état d'esprit de Kafuku : sobre, détaché, presque irréel. Dans sa deuxième partie, Drive my car abandonne en partie sa retenue d'origine, les émotions se font plus intenses. Chez les personnages comme chez le spectateur.
Et si nous sommes emportés de la sorte, c'est autant grâce à l'approche délicate du cinéaste qu'au jeu des acteurs. Hidetoshi Nishijima campe une sorte d'ermite, dont il parvient à traduire la détresse réfrénée avec une interprétation toute en nuances. Avec son regard triste et ses traits figés, Masaki Okada est bouleversante : là encore, elle nous fait deviner le traumatisme qui l'habite avant de l'exprimer oralement. Dans le rôle de l'actrice sourde et muette, Yoo-rim Park est lumineuse à chacune de ses apparitions.
Le spectateur a l'impression d'avoir voyager à l'arrière de la Saab 900 : bercé par la mise en scène de Ryusuke Hamaguchi, on apprend à apprécier ces grands taiseux que sont Kafuku et Misaki. En arrivant à destination, nous sommes bouleversés avec eux mais que le chemin fut beau.
Anderton
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire