vendredi 25 mars 2022

L'Extravagant Mr. Deeds : fraternité, générosité, excentricité !

L'Extravagant Mr. Deeds Blu-ray CINEBLOGYWOOD


En Blu-ray et DVD : Marre du cynisme ambiant. Si on revenait à des sentiments purs ? (Re)découvrons illico L'Extravagant Mr. Deeds (Mr. Deeds Goes to Town, 1936) de Frank Capra avec Gary Cooper et Jean Arthur. D'autant que Wild Side propose le film dans une superbe édition enrichie.


Le ciel tombe sur la tête de Longfellow Deeds : un oncle éloigné lui a légué son immense fortune. Voilà que ce célibataire amateur de poésie et joueur de tuba doit quitter sa petite ville tranquille pour aller gérer ses affaires à New York. Sa candeur et son excentricité suscitent bien des moqueries, et son pactole bien des convoitises. Son nouvel homme de main, Cornelius Cobb, tente de le protéger des arnaqueurs et des journalistes. Mais la reporter Babe Bennett n'hésite pas à employer la ruse pour approcher Deeds...

Frank Capra signe une de ces comédies dont il a le secret. Sa vitalité et sa drôlerie sont restées intactes, tandis que sa modernité s'exprime dans un message qui fustige l'arrogance des puissants, pointe le désespoir des démunis et célèbre la fraternité et la générosité. Gary Cooper nous fait fondre en interprétant un personnage "premier degré", que l'on prend d'abord pour un grand benêt, mais dont la gentillesse s'avère finalement mûrement réfléchie et guidée par l'envie d'aider au mieux son prochain. Il y a notamment un plan où, apprenant une trahison, Cooper fait passer en trois secondes sur son visage une succession d'émotions contradictoires, cueillant au coeur le spectateur. Jean Arthur campe pour sa part une journaliste roublarde qui va user de ses charmes avant de tomber sous celui de Deeds. Quant 0 Cobb, il est incarné avec une gouaille toute newyorkaise par Lionel Stander, qui a marqué notre enfance dans la série Pour l'amour du risque.

Bon sens ne saurait mentir

Les personnages sont écrits et interprétés avec beaucoup de justesse. Ils s'ébattent et débattent à l'aide de répliques qui font mouche dans un univers où la plus grande frivolité côtoie la pauvreté extrême. Les laissés pour compte ne sont pas seulement des figurants. L'un d'eux prend la parole pour révéler la condition qu'il partage avec ses camarades et dénoncer l'obscénité du mode de vie de ceux qui ont de l'argent. Un discours engagé juste ce qu'il faut, digne, poignant. Capra donne vie à tout ce petit monde et, l'air de rien, nous incite à réfléchir sur les inégalités auxquelles nous ne prêtons pas toujours attention. Il conclut son film dans une salle de tribunal. Plus que Deeds en tant que tel, c'est son humanisme désintéressé qui est sur le banc des accusés. S'ensuit alors un témoignage qui frappe et bouleverse par son bon sens. Que c'est bon, que c'est beau !

Le film est présenté dans un magnifique master restauré 4K. Outre un livret (Sous le signe du Capracorn par Frédéric ALbert Lévy), l'édition comprend moult bonus, dont une analyse du film et de l'oeuvre de Capra par Christian Viviani, ainsi qu'une interview du cinéaste, diffusée en 1983 dans la mythique émission Cinéma Cinémas. Malicieux, il explique qu'il est allé trouvé Harry Cohn, le patron de la Columbia, le plus "pauvre" des studios hollywoodiens, pour lui proposer un deal à peu près dans ces termes : "Vous me payez ce que vous voulez mais je veux le contrôle total sur mes films". Réponse outrée du boss : "Et moi, alors, je sers à quoi ?!". "Vous, vous avez une grande responsabilité, réplique Capra. Celle de pouvoir me virer à tout moment".

Anderton


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