mardi 8 mars 2022

Albatros : déjà un classique !

Albatros DVD CINEBLOGYWOOD


En DVD : On vous l’a déjà écrit ici à plusieurs reprises, on adore Albatros, le dernier film de Xavier Beauvois. Injustement absent des Césars 2022 ou du palmarès de Berlin 2021, il faut donner une seconde chance à ce film singulier, généreux, humaniste, dont la puissance du naturalisme est rare dans le cinéma contemporain. Ce qui en fait d’ores et déjà un classique – un peu maudit, ce qui lui assurera une postérité autrement plus avantageuse que bien des films qui rencontrent immédiatement leur audience !


Puissance du naturalisme

L’histoire ? Anderton l’a très bien résumée dans son article lors de la sortie du film en salles : Albatros, un bouleversant concentré d'humanité. Je n’y reviendrai pas, si ce n’est pour souligner deux aspects remarquables. Malgré son apparente simplicité, le récit est d’une incroyable richesse et complexité. Derrière la chronique d’une petite brigade de gendarmerie dans le pays de Caux, Beauvois nous raconte toute la difficulté de l’héroïsme au quotidien, que l’on soit au service des autres, tel Laurent le gendarme, dans son labeur quotidien d’agriculteur, tel le charismatique Geoffrey Sery, à la tête d’une famille qu’il faut porter de l’avant. Tout simplement, être humain. Filmé dans les lieux mêmes où Xavier Beauvois s’est installé depuis une quinzaine d’années, le film porte une épaisseur humaine, qui le place dans la lignée de Manuel Poirier, hélas bien oublié aujourd’hui – il serait temps de revoir Western et... à la campagne pour s’en rappeler.

Délit de fuite ?

Et surtout dans celle de Maurice Pialat et Jean Grémillon. Pour preuve : le second mouvement du film, qui se concentre sur la quête de rédemption de Laurent. A l’instar des films de ses deux illustres frères aînés, Albatros dépeint la crise de conscience qui s’abat sur ce héros du quotidien et qui, par le biais d’un acte que l’on pourrait qualifier de délit de fuite, va lui permettre de se confronter à lui-même, d’amorcer une rédemption. A un moment où l’on évoque à tour de bras la nécessité de changer, de se transformer, de trouver une autre voie, Albatros explore la piste de la fuite, comme source de dépassement de soi, d’ouverture à l’inconnu, et à la grâce. Et sonne juste. Et touche au cœur et à l’âme. Ils ne sont plus si courants ces cinéastes qui placent la grâce au coeur du quotidien, très simplement, très physiquement, très sincèrement. Même si, pour reprendre les mots du poète, telle des ailes de géant, elle empêche souvent les gens de marcher... 

Famille, je vous (hais)me !

Que Xavier Beauvois soit le chantre de la communauté, on l’avait déjà vu dans Des Hommes et des dieux ou Le Petit Lieutenant. La nouveauté ici réside dans son regard concernant la famille, lui qui l’avait tant vilipendée dans son tout premier film, Nord. Autrefois véritable nœud d’humiliation et d’aliénation qu’il fallait fuir pour sauver sa peau, la voici nid, refuge, lieu de consolation et de rédemption possible. Une équipe, avec ses doutes et ses failles, qui se construit peu à peu. A l’instar de celle qui a œuvré à son film : Xavier Beauvois, réalisateur et scénariste, également figurant ; sa fille Madeleine, touchante de sincérité et de justesse ; enfin, sa propre compagne, Marie-Julie Maille, à la fois actrice principale, coscénariste et monteuse du film. 

Jérémie Renier, Stradivarius

Enfin, louons sans équivoque Jérémie Renier dans le rôle principal. Entre douceur et violence rentrée, il livre une prestation au-delà de tout éloge. Engagé physiquement et émotionnellement dans le rôle de Laurent, il se montre d’une justesse incroyable – un "Stradivarius", comme le relève le réalisateur dans le bonus du film. Un acteur dont la carrière exemplaire, redisons-le ici, mériterait d’être davantage récompensée et mise en avant.

Bonus sans filtre

Peu de bonus dans cette édition signée Pathé Films, mais un morceau de choix : la conférence donnée par Xavier Beauvois à l’issue de la projection en avant-première du film, lors du Festival de La Rochelle en juillet 2021. Interrogé par le journaliste Emmanuel Burdeau, le réalisateur répond sans aucun filtre à ses questions. Un moment de parole libre et déconnecté de tout politiquement correct, à mille lieues de tout exercice promotionnel formaté et ennuyeux.

Travis Bickle

Aucun commentaire: