dimanche 8 mars 2020

Le Mystère von Bulow : 4 raisons de (re)découvrir le film de Barbet Schroeder

En salle : Les Acacias Distribution et L'Atelier d'images ont eu la riche idée de ressortir en salles Le Mystère von Bulow (Reversal of Fortune, 1990), de Barbet Schroeder. Inspiré d'une histoire vraie, ce film de procès atypique, un genre en soi aux Etats-Unis, a permis à Jeremy Irons d'obtenir l'Oscar du meilleur acteur. Ce n'est pas la seule raison de (re)découvrir le film au cinéma.



1) Une histoire vraie, un mystère irrésolu

La milliardaire Sunny von Bulow tombe dans le coma pour la seconde fois. Cette fois-ci, dans le lit conjugal, à côté de son époux, Claus von Bulow, qui a tardé à appeler un médecin. L'homme est accusé de tentative de meurtre et déclaré coupable. Von Bulow fait appel et se tourne vers l'avocat Alan Dershowitz pour assurer sa défense. Ce dernier, qui n'a pas l'habitude de traiter ce genre d'affaire, s'entoure de toute une équipe de spécialistes et d'anciens élèves. Ils ont peu de temps pour tenter de faire innocenter leur client. En 2008, 28 ans après les faits, Sunny von Bulow, alors toujours dans le coma, est morte, emportant le secret dans sa tombe.


2) Un scénario malin

A partir du livre qu'Alan Dershowitz a consacré à cette affaire, Nicholas Kazan, le fils d'Elia, a tiré un script original puisqu'il est raconté par une voix off... celle de Sunny ! La victime immobilisée évoque son état végétatif et revient sur une histoire d'amour qui a mal tourné. Au cours de ses entretiens avec Dershowitz et ses étudiants, Claus von Bulow donnera sa version des faits. De quoi décontenancer autant l'avocat que le spectateur. 

Nicholas Kazan nous plonge dans un univers élitiste, suscitant notre satisfaction malsaine à découvrir le malheur des ultra-riches. Mais, au fur et à mesure que les relations du couple nous sont dévoilées, nous voici confrontés à un homme et une femme en souffrance, dont le mariage prend l'eau. On s'en voudrait presque d'avoir laissé s'exprimer notre jalousie.

Originalité aussi car le film porte davantage sur le travail en amont de l'avocat et de son équipe que sur les débats au tribunal. C'est passionnant de voir la troupe vivre ensemble, échanger leurs arguments, hausser parfois le ton. Leurs débats nous permettent de passer en revue nos propres idées reçues et interprétations.

3) Des interprétations magistrales

Mi-dandy, mi-gigolo du Gotha, Claus von Bulow nous apparaît de prime abord comme un personnage hautain, auteur d'un plan machiavélique. Jeremy Irons l'incarne avec une rigidité toute britannique, pétri de bonnes manières et de morgue. Puis, alors que le coupable va être amené à fendre l'armure, le comédien fait vaciller son assurance, trouble son regard. Avant de lâcher tout à coup un sourire plein de sous-entendus. Irons est fascinant à voir. Et à écouter, avec son phrasé oxfordien teinté d'une pointe d'accent allemand. Oscar plus que mérité. Glenn Close livre, quant à elle, une prestation remarquable. La comédienne est à l'aise dans les rôles de névrosées, inquiétante à souhait tout en faisant jaillir ici ou là les blessures d'une femme finalement malheureuse. Le trio est complété par Ron Silver (L'Emprise, Blue Steel, Timecop), qui interprète avec énergie un avocat batailleur, profondément épris de justice, qui ne cache pas le trouble qu suscite en lui son client. Au-delà des interprétations individuelles, c'est un bonheur de voir ces trois comédiens interagir. Claus malmené par une Sunny de plus en plus borderline puis par une troupe d'avocats qui le défendent tout en pensant qu'il est coupable. Qui manipule qui et dans quel but ? Egalement présente au générique : Annabella Sciorra, vue dans Jungle Fever et Les Sopranos.


4) Une réalisation fluide

La mise en scène de Barbet Schroeder se caractérise par sa fluidité et son dynamisme. Sa caméra est en mouvement incessant, mais sans à coups. Ses travellings et panos traduisent l'élégance lorsqu'il s'agit de filmer la bâtisse des von Bulow, et le bouillonnement dans la maison de Derchowitz où travaille 24 heures sur 24 l'équipe d'avocats. Des mouvements de caméra qui nous permettent de suivre les pas ou la pensée des protagonistes, tout en nous révélant progressivement les éléments de l'affaire. Schroeder nous entraîne au coeur de l'affaire. Nous voici captivés du début à la fin. D'autant que la photo de Luciano Tovoli (Profession Reporter, Suspiria mais aussi Police et Le Dîner de cons) est magnifique, tout comme le score entêtant de Mark Isham

Anderton 

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