mardi 10 mars 2020

Les Cadavres ne portent pas de costard : polar poilant et culte

En Blu-ray et DVD : Fut un temps où Steve Martin était le roi de la comédie. Vedette au Saturday Night Live, il se produisait dans des stades comme une rock star. Puis il a lâché le stand up pour le cinéma et nous a régalés avec des films dans lequel il laissait exploser son génie comique. Ceux que je préfère datent tous des années 1980 : L'Homme aux deux cerveaux, Trois Amigos, Un Ticket pour deux, Le Plus escroc des deux et Les Cadavres ne portent pas de costard (Dead Men Don't Wear Plaid, 1982), dont Elephant Films propose une belle version restaurée dans un combo Blu-ray/DVD. A ne manquer sous aucun prétexte.



D'abord, parce que le film de Carl Reiner (le père de Rob et l'ancien partenaire de Mel Brooks), sorti pendant le mythique Summer '82, est le premier détournement réalisé pour le cinéma. Il mêle des extraits de films noirs des années 1940 avec des séquences tournées au début des années 1980. Steve Martin côtoie ou s'adresse ainsi à Humphrey Bogart, James Cagney, Ava Gardner, Bette Davis, Burt Lancaster, Lana Turner, Kirk Douglas, Vincent Price et beaucoup d'autres stars de l'âge d'or d'Hollywood. Evidemment, les propos de ces derniers sont utilisés dans le cadre d'un nouveau dialogue loufoque ; leurs faits et gestes interviennent dans des scènes complètement barrées. Un détournement, quoi. Et le résultat est à la fois hilarant et bluffant.

Bluffant car la photo de Michael Chapman (qui avait éclairé Taxi Driver et Raging Bull) est complètement raccord avec celles des films d'époque. La pellicule des Cadavres a même été "vieillie" pour coller au grain des 40's. Carl Reiner s'est également attaché les services de trois géants de la grande époque : la costumière Edith Head (Eve, Vacances romaines, Fenêtre sur cour), le décorateur John DeCuir (Carmen Jones, Le Roi et moi, Cléopâtre) et le compositeur Miklos Rozsa (La Maison du docteur Edwardes, Les Tueurs, Pour toi j'ai tué). Les Cadavres sera leur dernier film - sauf pour DeCuir qui terminera sa carrière deux ans plus tard avec SOS Fantômes. Le trio apporte tout son savoir-faire, faisant du film plus qu'un pastiche, un hommage aux polars en noir et blanc qui ont fait le bonheur des cinéphiles. On sent bien que Reiner joue avec les codes du genre (la voix-off du privé fatigué qui s'en prend plein la tronche, la femme fatale...) à la fois avec impertinence et un profond respect.  


Le film aurait pu être un collage marrant en soi, mais c'est une vraie histoire. Celle du détective privé Rigby Reardon qui enquête sur la disparition d'un scientifique (et fabricant de fromage), à la demande de sa fille éplorée. Teint en brun pour être raccord avec des personnages vus de dos dans les films originaux, Steve Martin joue avec conviction cet enquêteur à court de boulot. Il est drôle quand il est sérieux, et hilarant quand il part en vrille, le temps d'une mimique ou d'un geste. Le comédien nous fait exploser de rire en versant du café dans une casserole. Vous ne pourrez plus entendre "femme de ménage" ("cleaning woman") sans vous taper sur les cuisses. Face à lui, dans le rôle de l'énigmatique et troublante Juliet Forrest : Rachel Ward, qui mit en émoi les ados de ma génération dans la série Les Oiseaux se cachent pour mourir mais aussi dans L'Anti-gang de et avec Burt Reynolds et surtout dans Contre toute attente de Taylor Hackford (dans lequel Phil Collins interprète la chanson-titre Against All Odds, que reprendra Mariah Carey). Ici, elle s'avère toujours aussi belle et révèle tout son potentiel comique. Carl Reiner joue également un inquiétant majordome balafré tandis qu'apparaît également un habitué des seconds rôles : Reni Santoni (L'Inspecteur Harry, Manimal).


Elephant Films prolonge notre plaisir en proposant un entretien avec le grand Carl Reiner, qui interprète pour l'occasion la Marseillaise sans faute !, et une analyse fournie du film par le critique Julien Comelli, qui termine en chantant également. Et on a envie de pousser de la voix itou tant cette belle sortie nous comble de bonheur.

Anderton

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