jeudi 19 mars 2020

Hors normes : tout n'est pas perdu !

En DVD, Blu-ray et VoD : En cette période hors normes, où nous vivons repliés sur nous-mêmes, il est bon de s'aérer l'esprit et de s'ouvrir aux autres. C'est tout le propos de Hors normes, d'Eric Toledano et Olivier Nakache, disponible en VoD ou dans une édition Blu-ray très complète. Encore un grand film du duo, qui parvient à aborder un sujet grave et rarement (bien) traité au cinéma : l'autisme.



D'emblée, Toledano et Nakache nous plongent au coeur du quotidien de Bruno et Malik, responsables associatifs. Deux jeunes autistes dont ils s'occupent se sont fait la malle en plein Paris, semant les éducateurs en charge de les surveiller. Angoisse, cavalcade dans tous les sens. A peine les gamins retrouvés que voilà Malik et Bruno amenés à gérer les mille galères qui accompagnent leur engagement. Il faut dire que l'un comme l'autre ont fait le choix de s'occuper des cas les plus extrêmes, ceux dont les hôpitaux et établissements spécialisés ne savent plus quoi faire. Leur credo : libérer les autistes de leur enfermement médical et mental, les ouvrir au monde. Pour cela, ils  s'appuient sur des jeunes éducateurs en provenance des quartiers. Pas toujours formés ni très rigoureux, à l'instar de Dylan. D'où une enquête de l'Inspection générale des affaires publiques.


Plongée dans le réel

Hors normes est inspiré d'une histoire vraie. Celle de Stéphane Benhamou et Daoud Tatou, respectivement responsables des assoces Le Silence des justes et Le Relais Ile-de-France. Deux hommes qui ont pris fait et cause pour ces jeunes atteints d'autisme lourd et qui ne trouvent aucune structure d'accueil. Deux hommes dont la force de caractère déplace des montagnes administratives et balaie les préjugés. Deux hommes impliqués, engagés, francs-tireurs faute d'avoir toujours reçu les soutiens des pouvoirs publics.

Vincent Cassel et Reda Kateb les incarnent à l'écran. Il fallait tout le talent de Nakache et Toledano pour imaginer dans ces rôles des comédiens davantage habitués à des personnages durs, et surtout pour parvenir à associer ces forts caractères. Les cinéastes réussissent leur pari haut la main, parvenant même à dévoiler des émotions insoupçonnées chez leurs têtes d'affiche. Cassel et Kateb ont plus que joué le jeu puisqu'ils se sont investis dans leurs rôles, prenant part longtemps en amont aux activités des associations. Cet engagement transparaît à l'écran. Ils sont habités et complètement effacés derrière leurs rôles. On savait quels immenses acteurs ils étaient, et pourtant ils parviennent encore à nous surprendre.

Et le plus fort, c'est qu'ils n'écrasent pas le reste du casting. Ni les comédiens - Alban Ivanov encore une fois formidable, Lyna Khoudri (César 2020 du meilleur espoir féminin pour Papicha) qui rayonne, Hélène Vincent qu'on prend plaisir à retrouver, les impeccables Frédéric Pierrot et Suliane Brahim -, ni les découvertes - Bryan Mialoundama et Djibril Yoni, pleins de fraîcheur et qu'on attend de revoir -, ni les jeunes autistes qui ont pris part à l'aventure et notamment l'incroyable Benjamin Lesieur. Sans oublier Marco Locatelli qui interprète avec véracité un autiste en proie à des accès de violence. Un casting disparate, étonnant, que Toledano et Nakache parviennent à faire jouer à l'unisson.

Bonté divine

Comme ils ont su le faire dans leurs films précédents, Toledano et Nakache prennent à bras le corps un fait de société et pointent le projecteur sur des grands oubliés - autistes, personnels associatifs, jeunes des quartiers - dont l'énergie, parfois brouillonne, fait valser les préjugés. Jamais les cinéastes ne cherchent à cacher leurs défauts, ni à en faire des héros. Ils les filment dans leur humanité imparfaite mais généreuse. Avec bienveillance. Toledano et Nakache rient avec leurs personnages, jamais à leur détriment. Ils auraient également pu insister lourdement sur cette association symbolique d'un juif pratiquant et d'un arabe, qui emploient l'un comme l'autre des personnes de toutes origines, de toutes confessions. Les kippa côtoient les voiles, les barbus fréquentent les glabres, les femmes et les hommes travaillent ensemble. Rien à cacher, ni à accentuer. La société française dans sa diversité. Mais non, le binôme de cinéastes refuse d'en faire des tonnes et c'est tant mieux.



Pour le spectateur, il y a quelque chose de réconfortant à regarder des hommes et des femmes qui ne sont pas réduits à des clichés ou à des postures. On pénètre dans un univers méconnu et on en prend plein la vue et le coeur. On rit, on est ému, on est diverti. La caméra de Toledano et Nakache, toute proche des personnages, nous embarque au plus près de l'action. Le plaisir du cinéphile est intact : au-delà du sujet, on assiste à un film porté par une ambition et une réflexion artistiques, qui s'incarnent dans la mise en scène, la photo, la musique. Toledano et Nakache font un bien fou au cinéma, et surtout au public. 

Suppléments d'âme
Gaumont propose une édition Blu-ray enrichie de multiples bonus, qui nous permettent de prolonger l'expérience Hors normes. Le making of nous révèle à quel point T&N ont mûri le projet pendant des années. Frappés comme nous par ces associations improbables et leur travail infatigable, ils ont pris soin de représenter avec le plus de justesse l'engagement de Benhamou et Tatou. Leur travail avec les acteurs pros ou non est également abordé dans un bonus, tandis qu'un autre supplément nous révèle les torrents d'émotions qui se sont déversés lors des avant-premières. 

Anderton

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