mardi 7 septembre 2021

Quand les tomates rencontrent Wagner : un petit village grec face à la mondialisation

Quand les tomates rencontrent Wagner CINEBLOGYWOOD


En salles (le 8 septembre) : Contrairement à la blague Carambar*, Alexandros Gousiaris ne pratique pas le naturisme pour faire pousser ses tomates bio. Il leur fait écouter de la musique classique et des airs grecs traditionnels. Mais Quand les tomates rencontrent Wagner, le documentaire de Marianna Economou, nous offre à entendre et surtout à voir beaucoup plus : la lutte d'une petit coopérative grecque pour écouler ses stocks et, au passage, sauver un village de son lent déclin. 


Comme beaucoup de jeunes du coin, Alexandros a quitté le petit village d'Elias pour aller faire sa vie dans une métropole grecque. Puis, les années ayant cendré sa chevelure, il est revenu au pays avec l'intention de relancer une activité et attirer des jeunes dans cette région rurale et abandonnée de la Grèce. Et pour faire pousser des tomates bio, quoi de mieux que de la musique classique ? Du Wagner même, histoire de donner au fruit une belle couleur et un bon goût. Il arrive aussi que l'agriculteur avec lequel il est associé préfère faire résonner dans l'immense plaine les mélopées du rebetiko. Et voilà donc des tomates mélomanes et doublement cultivées.

Une fois les tomates récoltées, "Alekos" les met en bocal, pour faire des sauces qu'il expédie ensuite aux quatre coins du monde. Ses employées sont des petites mamies du village, certaines sont ses tatas. Elles travaillent dans la bonne humeur, réclament des cafés, racontent des potins et se vannent gentiment. Elles taquinent aussi Alekos mais pas longtemps, elles l'écoutent avec attention quand il vient leur faire un point sur leur petit commerce. Elles en sont fières, d'Alekos. Il se démène pour rendre rentable une activité qui a priori ne l'est pas. Pensez qu'il faut 1,5 kilo de tomates pour faire 330 grammes de sauce. Le bonhomme porte sur ses épaules la survie du village, dont la moyenne d'âge des habitants ne descend pas en dessous de 60 ans.

Obélix et quinoa

La réalisatrice Marianna Economou porte un regard tendre et bienveillant sur cette attachante tribu d'un petit village grec qui tente de survivre face à la mondialisation, tout comme le petit village gaulois tient tête à l'envahisseur romain - d'ailleurs, Alexandros arbore parfois un t-shirt à l'effigie d'Obélix. Sa caméra n'est jamais intrusive, ce qui nous permet d'assister à des moments privilégiés où la communauté se retrouve pour la cueillette, la mise en bocal et la séance de dégustation (pourquoi ne pas ajouter de l'origan plutôt que de la menthe ?). 

Il faut voir avec quel entrain Alekos et ses mamies remettent en ordre l'école du village (fermée depuis 30 ans) pour accueillir un groupe d'écoliers français. Alekos qui échange des propos philosophiques avec son cousin (on est en Grèce) ou qui vient raconter un conte à ses employées qui redeviennent alors des petites filles captivées. Des tranches de vie émouvantes, comme le voyage à Bruxelles où Alekos et quelques représentantes du village découvrent la ville, émerveillés, puis dénichent leurs produits dans le rayon d'un supermarché avant d'assister à une "leçon" de marketing de l'importateur local : il faut que l'étiquette soit plus parlante, qu'elle raconte une histoire, qu'elle montre des visages... Et puis, ce plat préparé est bon mais ce serait mieux de remplacer le riz par du quinoa ! Comment trouver du quinoa en Grèce ?...

Les plans de ce village quasi abandonné, des vieilles femmes courbées qui arpentent les chemins et s'en vont nettoyer le cimetière sont tout bonnement poignants. "Que va faire Alekos quand nous ne seront plus là ?", demande une tata les larmes aux yeux. Nous aussi, on a la gorge serrée. Et le sourire aux lèvres face à cette belle histoire, que Les Films des deux rives nous permettent de découvrir en salles. Je n'ai pas trouvé d'épicerie qui vendent les "tomata straggisti" de Gousiaris mais, avis aux importateurs, un site présente leur production. En attendant de la déguster, allez vous régaler de ce concentré de douceur au cinéma.

* Pourquoi le jardinier arrose-t-il son jardin tout nu ? C'est pour faire rougir ses tomates.

Anderton 


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