Révélé dans Préparez vos mouchoirs, Riton Liebman revient sur sa vie cabossée et sa carrière en dents de scie dans un livre aussi drôle qu'émouvant, La Vedette du quartier, publié chez Séguier.
Comme beaucoup, j'ai découvert Riton dans le film de Bertrand Blier, sorti en 1978. Alors gamin de treize ans, il interprétait un jeune surdoué dont tombe amoureuse une femme triste (Carole Laure), que le mari (Patrick Dewaere) a offerte à un inconnu (Gérard Depardieu) pour tenter de lui redonner goût à la vie. Alors que pour son 50e anniversaire cette année, Les Valseuses suscite la polémique, inutile de souligner que le 4e long-métrage du cinéaste provoquerait aujourd'hui un débat tout aussi houleux. Avant d'obtenir l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, Préparez vos mouchoirs avait choqué aussi à sa sortie, hein. Mais pour les ados puceaux et boutonneux que nous étions, Riton était un héros. Certes, Christian, son personnage, affichait un Q.I. des plus élevés, mais il avait tout du gamin ordinaire. Pas spécialement beau gosse, il était la tête à claques de la colo. Et pourtant, il arrivait à séduire une belle femme. Dans une scène d'un érotisme torride, Christian utilisait une brindille pour écarter les pans de la chemise de nuit de son amoureuse endormie et scruter les parties les plus intimes de son anatomie. Déni du consentement, perversion, objecterait-on aujourd'hui. A l'époque, Riton était le héros de tous les collèges et lycées de France et de Belgique.
Riton fait le con
C'est de Bruxelles que vient le comédien. Né dans une famille juive et engagée à gauche, le ket est à l'opposé de Christian. Effronté, déconneur, fâché avec les études malgré un papa prof d'université. Il passe le casting de Préparez vos mouchoirs sur un coup de tête, découvre le cinéma et la célébrité. Difficile de reprendre une vie normale après ça. Il part donc à Paris à l'âge de 17 ans, bien décidé à faire carrière. Sa prestation remarquée et remarquable lui ouvre des portes. "Alors il était sympa, Depardieu ? Il était génial, Patrick Dewaere ? Et Carole Laure, tu l'as vraiment b... ?". Toujours la même rengaine de la part de ses interlocuteurs et dont Riton s'amuse à ponctuer son livre.
Le comédien enchaîne des petits rôles (Allons z'enfants, L'Addition, Le Mariage du siècle...), rate le Conservatoire, partage la tête d'affiche avec Aldo Maccione (Aldo et Junior). Son ego en prend un coup. Il fait trop la fête, trop le con, plonge dans la drogue. Sa grande gueule et sa légèreté lui font rater des opportunités. Il croise des célébrités (Blier père et fils, Yves Boisset, Richard Berry, Thierry Lhermitte), certaines resteront sympas, d'autres s'avèrent odieuses. Il fréquente "Florent et Vanesse", assiste à l'explosion de leur succès.
Poignant final
Avec beaucoup d'humour, Riton Liebman raconte sa vie sans fard. Henri (son vrai prénom) en rit. Son autodérision frôlerait l'autoflagellation si le comédien n'avait pas eu ce recul déconcertant sur lui-même. Il sait bien qu'il multiplie les conneries, qu'il n'aurait pas dû parler comme ça à Yves Boisset ou à des producteurs, qu'il aurait dû aborder sa carrière avec plus de sérieux. Mais son ingénuité et son irresponsabilité ont quelque chose d'attachant. Rien ne semble avoir d'importance, même si on sent bien que derrière son rire et son haussement d'épaules, le bonhomme en a parfois ras-le-bol de cette existence vécue au jour le jour. Au fur et à mesure des chapitres, le bouffon révèle ses blessures, l'air de rien, sans s'y attarder, avec désinvolture. Jusqu'au moment où il retourne à Bruxelles pour accompagner la fin de vie de son père, rongé par une longue maladie. Des pages déchirantes, tout comme celles où Riton reconnaît être devenu un camé.
Si le tournage et la sortie de Préparez vos mouchoirs sont amplement abordés (Depardieu et Dewaere y apparaissent tantôt méprisants, tantôt débordant de générosité), le cinéphile est parfois frustré des impasses sur certaines productions : Peut-être, Le Petit lieutenant ou Je suis supporter du Standard, réalisé par Liebman lui-même. Mais cette autobiographie qui ne dit pas son nom, puisque l'ouvrage est présenté comme un roman, suffit au bonheur du lecteur. La Vedette du quartier est le titre de la pièce de théâtre créée et interprétée par le comédien en 2016. Je ne l'ai pas vue donc je ne sais pas à quel point le livre colle au spectacle. Qu'importe. On referme l'ouvrage en ayant envie de revoir Riton à l'écran, dans ses anciens films (bon, peut-être pas dans Aldo et Junior) et dans des nouveaux. Surtout, on a envie qu'il soit heureux.
Anderton
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire