A l'occasion de son 18e anniversaire, on peut aisément affirmer que le Festival du film coréen à Paris est un événement majeur (pun intended). Parce qu'il met en valeur des pépites du cinéma made in Korea, qu'il attire les artistes qui le font et surtout parce que son succès populaire ne faiblit pas, bien au contraire. L'édition 2023 s'est ouverte avec Smugglers, de Ryoo Seung-wan. Le cinéaste, qui a fait le déplacement sur les Champs-Elysées, a échangé avec le public. Compte-rendu.
Smugglers nous plonge au coeur des années 1970, dans la province de Jeju. Un groupe de plongeuses (haenyeo) spécialisées dans la pêche au coquillage en apnée ne parvient plus à assurer sa subsistance depuis la mise en service d'usine qui pollue les eaux locales. Une petite frappe leur propose de remonter à la surface des caisses de contrebande. Elles acceptent pour échapper à la misère. Mais les douaniers veillent et bientôt, un mafieux de Séoul débarque en ville.
Ryoo Seung-wan, dont on avait beaucoup aimé Escape from Mogadishu et The Agent, signe un film typiquement coréen, c'est-à-dire original, mélangeant et revisitant les genres avec une belle énergie. Le tout sur fond de K-pop 70's, de perruques à la Farrah Fawcett, de cols pelle à tarte et de pantalons pattes d'éph'. On a le droit à une scène de combat à l'arme blanche d'anthologie : deux bad guys contre une douzaine d'autres truands. Cela se passe dans un corridor (clin d'oeil à Inception ?) et c'est chorégraphié avec brio. Le cinéaste se paie même le luxe de nous faire marrer au milieu de cette débauche de violence crue. Quant au final sous l'eau, il tient toutes ses promesses en termes de suspense... et de baston.
Smugglers met au premier plan un groupe de femmes pleines de caractère et qui parviennent à s'imposer dans un univers où les hommes ne leur font aucun cadeau. Les comédiennes Kim Hye-soo, Yum Jung-ah et Go Min-si sont formidables. Leurs partenaires masculins sont également au niveau : Zo In-sung, Park Jeong-min et Kim Jong-soo. Action, humour, émotion sont au rendez-vous. La salle du Publicis Cinémas, où se tient le festival du 31 octobre au 7 novembre, a chaleureusement applaudi cette perle coréenne.
Après la séance du 1er novembre, le programmateur David Tredler a invité sur scène Ryoo Seung-wan, accompagné de ses deux producteurs, son épouse Kang Hye-jung et Cho Sung-min. Très heureux de participer à ce festival, ils ont répondu aux questions de l'assistance.
Under the sea
Coscénariste du film, le cinéaste a indiqué que l'idée de Smugglers avait germé lorsque Cho Sung-min avait visité un musée sur ces plongeuses coréennes où il avait découvert que certaines d'entre elles avaient pris part à différents trafics. A un spectateur qui lui a demandé si Opération Tonnerre et les films de James Bond avaient été une référence, Ryoo Seung-min a répondu qu'il avait évidemment vu ces films mais que cela ne l'avait pas vraiment aidé car les combats aquatiques dans la saga 007 sont pratiqués par des plongeurs équipés de bouteille d'oxygène. La mise au point des affrontements sous-marins avait été un casse-tête pour l'équipe de cascadeurs, les doublures (nageurs et nageuses professionnels)... et les actrices, qui ont réalisé la moitié des scènes sous l'eau. Ce qui a plu au cinéaste, c'est que dans l'eau, hommes et femmes sont au même niveau physique.
Malicieux, Cho Sung-min a indiqué qu'Avatar avait été tourné dans un bassin à 3 mètres de profondeur alors que pour Smugglers, acteurs et cascadeurs sont descendus jusqu'à 6 mètres. "Mais Avatar a eu plus de succès dans le monde. Tout ça pour vous dire que la méthode diffère du résultat final", a-t-il reconnu, faisant marrer ses camarades sur scène et le public.
Savoir se renouveler
Pour ma part, j'ai posé deux questions. La première : "Comment Ryoo Seung-wan a-t-il abordé la spectaculaire scène de combat à l'arme blanche et est-il parvenu à se renouveler dans cet exercice ?". Le cinéaste a expliqué qu'il cherche toujours à la fois à donner au public ce qu'il attend tout en essayant d'apporter évidemment sa touche, si possible en apportant de la nouveauté pour ne pas se répéter.
J'ai aussi demandé d'où venait la formidable créativité du cinéma coréen, dont les films sont toujours surprenants. "Est-ce que c'est lié à la nourriture ou à l'alcool ?", ai-je osé. La productrice Kim Hye-sung a expliqué que longtemps, il a été difficile de faire des films en Corée et que cette originalité s'expliquait en partie par cette soif tardive de créer mais aussi par le dynamisme de la société coréenne ainsi que par l'existence d'un public avide de sensations cinématographiques. Pas de pouvoir créatif à chercher dans le bibimbap donc.
Cho Sung-min a conclu la soirée en s'adressant à l'auditoire : "Si vous avez aimé Smugglers, n'hésitez pas à répandre la nouvelle autour de vous et si vous n'avez pas aimé, et bien mentez et dites que c'était très bien !" Eclat de rire général et applaudissements nourris. Rassurez-vous : on n'aura pas à mentir !
Bravo à David Tredler et l'équipe de @ffcp_cinema : si vous le pouvez, foncez au FFCP qui se tient jusqu'au 7 novembre (programme complet ici).
Anderton
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire