En salles : Beau projet que de vouloir présenter la fin du monde depuis un loft new-yorkais ! Après Lars von Trier et Melancholia et Jeff Nichols avec Take Shelter, entre autres, la fin du monde inspire les cinéastes. Au tour d'Abel Ferrara de nous livrer sa version avec 4h44 Dernier Jour sur Terre. Que ceux qui s'attendent à un débordement de mysticisme, de gunfights ou de partouzards en transe passent leur chemin ! Car notre Abel s'est transformé en doux Caïn, tout doux Caïn. Bouddhiste il est devenu, bouddhiste est son cinéma.
Etrange atonie
En situant l'action de son film lors de l'ultime jour de fin du monde dans l'intimité d'un couple, le cinéaste se fait étrangement atone : pas d'excès, juste d'ultimes étreintes, d'ultimes projections de peintures, d'ultimes adieux familiaux via Skype. Seules ombres au tableau : quelques suicides dans le voisinage, un livreur de nourriture asiatique qui profite de ce couple pour communiquer affolé à sa famille restée au Vietnam, de l'information en continu qui s'interrompt sous la volonté des présentateurs vedettes d'adresser un ultime adieu à leurs proches, hors studio. Hors caméra.
Refus du spectaculaire
Tout se passe comme si la fin du monde était déjà jouée, dans l'univers de Ferrara. Comme si elle était déjà validée par les propos d'Al Gore ou du Dalaï-Lama, qui s'interposent à nous en gros plan. Et par refus du spectaculaire, le cinéaste de New Rose Hotel célèbre une entité qui semble neuve pour lui : le bonheur dans le couple. Incarné par son désormais alter égo zen Willem Dafoe – qui en a pourtant vu d'autres sous la caméra de Lars von Trier dans Antechrist ! - et par son actuelle girlfriend Shanyn Leigh, son couple vaque à ses occupations quotidiennes, fin du monde ou pas.
Attachant et un poil ennuyeux
C'est ce qui rend le film à la fois attachant et, disons-le, un peu ennuyeux. Car les ironiquement nommés Cisco – très attiré par les nouvelles technologies – et Skye – portée sur le mysticisme – semblent vivre dans leur bulle, malgré la multiplicité des écrans qui les entourent. Car c'est là le véritable sujet du film de Ferrara : pour vivre – et mourir – heureux, autant vivre caché. Et protégé. Rédemption ou pas. Et puis le cinéaste n'a pas son pareil pour filmer New York, ses habitants, ses terrasses d'immeubles, sa lumière de fin du jour, sa circulation, ses passants égarés, hagards, ou pas.
Cinéaste en renouveau
S'il ne possède ni la vigueur de Bad Lieutnant, ni l'éclat de The King of New-York, ou la flamboyance crépusculaire de son chef d'oeuvre Nos Funérailles, 4h44 marque à coup sûr une étape importante dans la carrière du cinéaste. Oeuvre de transition vers la sérénité, elle porte la marque d'un cinéaste en plein renouveau, et qui donne envie, très vite, d'en découvrir la suite, quand bien même il s'agirait d'une adaptation de l'affaire DSK...!
Travis Brickle
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