vendredi 16 novembre 2018

Under Fire : retour de flamme

En Blu-ray et DVD : Peut-on relater un conflit en restant neutre et sans se faire manipuler ? C'est la question qui sous-tend Under Fire (1983), réalisé par Roger Spottiswoode, avec Nick Nolte et Gene Hackman. La question et le film ont résisté au passage du temps, comme le prouve cette belle édition vidéo. 



Appareil photo en bandoulière, Russell Price (Nick Nolte) arpente les théâtres de guerre pour le compte des médias américains. Au plus près de l'action, il immortalise la violence des combats et la détresse des peuples qui les subissent. Envoyé au Nicaragua en 1979, il assiste aux affrontements opposant l'armée du président Somoza et les rebelles sandinistes. Oppression, terrorisme, répression... avec ses confrères Alex (Gene Hackman) et Claire (Joanna Cassidy), Russell tente de couvrir avec honnêteté ce qui ressemble de plus en plus à une guerre civile. Lors de ses reportages, il croise un barbouze américain (Ed Harris) et un espion français (Jean-Louis Trintignant).


Under Fire aurait pu être un film raté. La première séquence s'ouvre dans un pays africain : un hélicoptère de l'armée attaque un convoi rebelle, comprenant quelques hommes à dos d'éléphant. Une séquence étonnante, très graphique. Problème : les pachydermes sont des éléphants... d'Asie. Un autre exemple : Jerry Goldsmith signe un magnifique thème inspiré du folklore latino-américain. Problème (bis) : il utilise une flûte de pan qui n'a rien à voir avec la musique d'Amérique centrale où se déroule le film. Vous allez dire que je chipote mais c'est le genre d'erreurs qui met à mal la véracité d'un film. Or, on accepte volontiers ces deux bourdes car on est emporté par ces personnages imparfaits mais sincères, aussi courageux qu'inconscients, pétris de doutes et animés par de nobles idéaux.

Trois baroudeurs et deux ordures

Nick Nolte campe une grande gueule, qui se lance dans la mêlée pour en rapporter des images fortes. Il fait de Russell une sorte de grand ours qui, derrière son allure cool et détachée de professionnel endurci, révèle peu à peu ses questionnements, ses incertitudes. Plus égocentrique, Alex est la figure du journaliste obnubilé par le scoop : derrière son sourire de façade, Gene Hackman dévoile lors de moments fugaces la peine de coeur de son personnage et les bouffées de jalousie plus ou moins contenue qu'elle suscite. Car entre Russell et Alex, il y a Claire à laquelle Joanna Cassidy (la réplicante au serpent dans Blade Runner) prête sa beauté et une apparente dureté qui vacillera également au fur et à mesure de son enquête.

Face à ce trio de baroudeurs, deux ordures, l'une immorale et l'autre amorale. Jean-Louis Trintignant incarne Marcel Jazy, l'homme secret qui parle à l'oreille de Somoza tout en couchant avec sa maîtresse. Normal, c'est un vilain français ! Trintignant est parfait en manipulateur cynique et lettré. Quant à Ed Harris, il joue un mercenaire américain qui croise régulièrement la route de Russell : il tue sans états d'âme tout en essayant de faire copain-copain avec le photographe. Harris parvient à nous dégoûter et à nous faire rire avec ce soldat vendu au plus offrant. On remarque également Richard Masur (Heaven's Gate, The Thing) dans le rôle du publiciste de Somoza.

Inspiré de faits réels, Under Fire mêle efficacement le film politique et le cinéma d'action. Le rythme est enlevé et Roger Spottiswoode signe une mise en scène efficace, sans tomber dans le piège du vrai-faux reportage. Car le récit prend ici et là des accents épiques, lancés par le sublime score de Jerry Goldsmith. Son formidable thème, repris par Quentin Tarantino dans Django Unchained, n'apparaît qu'au bout de 20 bonnes minutes. Appuyé par Pat Metheny à la guitare, il le décline ensuite en des variations qui donnent un souffle inattendu au film.


ESC Editions nous propose de redécouvrir Under Fire dans un nouveau master Haute définition de toute beauté. En bonus, un entretien avec Roger Spottiswoode ainsi que l'interview passionnante d'un spécialiste sur Goldsmith. Bref, une édition qui mérite votre attention.

Anderton 

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