En Blu-ray et DVD : Pathé sort en coffrets Blu-ray et DVD deux films de Gilles Grangier qui bénéficient d'une magnifique restauration : Le Sang à la tête (1956), avec Jean Gabin, et Echec au porteur (1958), avec Paul Meurisse, Serge Reggiani et Jeanne Moreau. En prime, des suppléments passionnants.
De Gilles Grangier, on connaît les grandes comédies populaires, régulièrement diffusées à la télévision : La Cuisine au beurre (qui associe Fernandel et Bourvil), Archimède le clochard et, cher à mon coeur, Les Vieux de la vieille avec Jean Gabin. Le cinéaste a abordé bien d'autres genres, notamment le polar. Les deux films offrent l'opportunité de saisir l'approche de Grangier, dans des styles très différents, en même temps que d'apprécier son savoir-faire.
Adapté d'un roman de Georges Simenon, Le Sang à la tête est un polar atypique. Pas de braquage, ni de crime mais une disparition : celle de Marthe, la femme de François Cardinaud, un armateur et mareyeur de La Rochelle. Ce n'est pas la police qui va enquêter mais le notable lui-même. Soucieux de ne pas alimenter les rumeurs et médisances qui ne tardent pas à se propager en ville, le fils Cardinaud (pour reprendre le titre du roman) part à la recherche de Marthe. Sur son chemin, il rencontre ses parents et son frère, les parents de sa femme, des "amis", des partenaires et concurrents, des commerçants... En face à face ou dans son dos, les langues se délient. La jalousie et la rancoeur s'expriment.
Jean Gabin est formidable. C'est un capitaine qui trace sa route, affrontant vents et marées, imperméable aux ragots sordides et autres saloperies lâchées par les "gens bien". Il garde le cap, avec une seule idée en tête: retrouver sa femme. Michel Audiard est au dialogue : pas d'envolée grandiloquente mais des propos justes, sobres, qui font mouche.
Réalisé deux plus tard, Echec au porteur est une efficace course contre la montre. Bastien transporte de la drogue dans un ballon de foot pour le compte d'un malfrat envers qui il a une dette. Un rival lui propose de s'en affranchir en livrant un ballon équipé d'une bombe. Mais en chemin, Bastien tombe sur une bande de gamins qui lui volent le ballon. Cette fois-ci, Grangier signe un thriller qui suit en parallèle les enfants qui jouent inconsciemment avec la balle et Bastien, puis la police qui tentent d'identifier les mômes pour pouvoir mettre la main sur la bombe dont le compte à rebours est enclenché.
A l'instar de l'engin explosif, la mécanique d'Echec au porteur est d'une précision absolue : les événements s'enchaînent de manière inéluctable et pourtant, l'effet de surprise joue à plein et le spectateur ne sait jamais ce qui l'attend. Il faut dire que le scénario a été coécrit par le cinéaste et deux pointures du polar : Noël Calef, qui a écrit le roman dont est tiré le film, et Pierre Véry, à qui l'on doit notamment Les Disparus de Saint-Agil. Dans un premier temps, le spectateur accompagne Bastien, joué par Serge Reggiani qui fait de son personnage un brave type englué dans une sale affaire, puis le "lead" est pris par Paul Meurisse, commissaire aussi calme que déterminé et auquel le comédien donne sa prestance et son assurance.
Chaque film fait la part belle à une galerie de seconds rôles qui font le sel du cinéma français : Paul Frankeur, Renée Faure et Jacques Marin pour Le Sang... ; Simone Renant, Gert Fröbe, Clément Harari (le chirurgien qui refait le portrait de Morzini/Depardieu dans Inspecteur la bavure !), Fernand Sardou, Henri Virlogeux pour Echec... A travers eux et bien d'autres, Gilles Grangier donne vie à tout un peuple de "petites gens" qui, le temps d'une réplique ou d'une simple apparition, ancre chaque film dans le réel, en racontant la vie quotidienne dans cette France de la IVe République. D'autant que les films mettent en valeur aussi bien des lieux (la Province dans Le Sang ; les faubourgs encore en friche dans Echec) que des professions (les pêcheurs et mareyeurs dans le premier ; les policiers dans le second). On assiste ainsi à une criée ou à la mise en branle des services de la police : la description de chaque activité est très détaillée, sans jamais ralentir le rythme des films.
Ces deux belles (re)découvertes ont bénéficié d'une splendide restauration et sont accompagnés de suppléments très éclairants qui réhabilité un cinéaste démonté par les jeunes Turcs de la Nouvelle Vague. Bertrand Tavernier analyse chaque film avec érudition et volubilité - des témoignages d'autant plus précieux qu'ils sont parmi les derniers qu'il a laissés avant de fermer à jamais les yeux. Spécialiste du polar, François Guérif revient également sur la carrière de Grangier, avec lequel il s'est entretenu dans le livre Passé la Loire c'est l'aventure. En prime, des images d'archives... réalisés par Pathé, bien sûr. C'est pas beau, tout ça ?
Anderton
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire