mercredi 26 janvier 2022

Presque : un road trip qui invite à croquer la vie

Presque Bernard Campan Alexandre Jollien CINEBLOGYWOOD


En salles : Il y a des films qui font du bien car ils nous ramènent à l'essentiel. C'est le cas de Presque, réalisé et interprété par Bernard Campan et Alexandre Jollien. Avec ce récit touchant, le duo nous invite à ouvrir nos yeux et notre coeur sur le monde et les autres.


Louis dirige une entreprise de pompes funèbres, près de Lausanne. A l'écoute des familles frappées par le deuil, son apparente empathie n'est que du professionnalisme. Si le métier ne prête pas à rire, on sent bien qu'il y a quelque chose d'éteint chez Louis. La lumière va venir d'Igor, un livreur de primeurs bio qui croise sa route. Ou plutôt que Louis va renverser sur la route. Atteint d'un handicap qui altère ses mouvements et son expression, Igor a du mal à se faire accepter des autres, dont il cherche pourtant la compagnie. Alors qu'il doit emmener une défunte dans le sud de la France, Louis se rend compte qu'Igor est monté à bord du corbillard.

Presque marque la rencontre de deux hommes prisonniers de leurs corps. Louis a choisi d'étouffer ses émotions derrière une maîtrise absolue de ses gestes et de ses propos quand Igor cherche au contraire à s'affranchir de son apparence afin de communiquer avec autrui. Louis s'est réfugié dans son travail, Igor dans les livres de philosophes, qu'il cite à la moindre occasion. Leur voyage en corbillard va leur permettre de se connaître et, progressivement, de s'ouvrir l'un à l'autre et au monde.

Croquer la vie

A travers les citations d'Igor, Louis et les spectateurs sont amenés à reconsidérer leur quotidien. Les pesanteurs, les contrariétés, les emmerdes dont on fait des montagnes semblent bien dérisoires à la lumière des stoïciens. L'acceptation de ne pas pouvoir tout contrôler aide au lâcher prise, et donc à profiter de la vie, fragile, fugace mais aussi tellement belle. Evidemment, mettre en pratique la sagesse des anciens n'est pas simple, y compris pour Igor. Mais avec l'aide de Louis et d'autres personnes bienveillantes, il va parvenir à surmonter ses propres peurs et le dégoût de son corps.

Presque est un road trip philosophico-initiatique qui nous permet également de découvrir la vie d'une personne handicapée, le rejet qu'elle inspire, les difficultés de son quotidien. Sans jamais chercher à délivrer un message, ni à donner des leçons, ou encore moins à nous apitoyer, Campan et Jollien montrent une réalité rarement vue au cinéma. Leur approche sincère rend leur film poignant. D'autant que le duo ne perd jamais de vue le récit et les personnages. Personnages interprétés avec beaucoup de justesse et de nuances. On connaissait le talent de Bernard Campan, on découvre celui d'Alexandre Jollien. Et leur amitié à la ville nourrit celle qui se développe à l'écran. Les têtes d'affiche sont entourées de comédiennes formidables, dont la rafraichissante Tiphaine Daviot (Lazy Company), Julie-Anna Roth et Laëticia Eïdo (Fauda).  

Campan et Jollien réalisateurs se débrouillent bien itou, parvenant sans esbrouffe à signer un film rythmé, drôle, inspirant qui parle de la mort, de la différence mais surtout de la vie. La photo est magnifique, tout comme le score signé Niklas Paschburg.

Distributeur du film via sa société Apollo Films, François Clerc m'avait spoilé la scène finale* de Presque. Mais ce n'était pas grave car on sait bien que le voyage compte plus que la destination. Et après avoir vu le film, on se sent heureux comme Ulysse.


* ATTENTION SPOILER : Louis et Igor finissent par se jeter tout nus dans l'étang de Thau. Après avoir trimballé un cercueil et une urne funéraire, le duo s'est débarrassé de tout ce qui l'empêchait de vivre pleinement, dans la joie. Les deux hommes se sont affranchis de la peur de la mort pour se retrouver tels des nouveaux nés flottant dans le liquide amniotique. Une renaissance.

Anderton

Aucun commentaire: