mercredi 22 avril 2009

A bout de course : éloge de la fugue

En salles : Papy Travis a vu pour vous une rareté qui ressort cette semaine sur les écrans, A bout de course (Running on Empty, 1988), du vétéran Sidney Lumet. Du cinéaste, on connaît surtout les polars urbains et nerveux des années 70 : Serpico, Un après-midi de chien, Le prince de New-York. On connaît également ses films de genre, sérieusement troussés, tels Contre-enquête, Network, 12 hommes en colère ou tout récemment le dostoievskien 7h58 ce samedi-là.
On connaît également ses adaptations – Equus, La Mouette, L’Homme à la peau de serpent. On connaît également son goût pour les stars – Family Business, Verdict ou Le Crime de l’Orient-Express en témoignent. Eh bien, A bout de course est à l’opposé de tout son cinéma. Et demeure à son jour son meilleur film.
Sidney Lumet à son meilleur
Car le vieux routier du cinéma US – 84 ans au compteur – livre là son film le plus secret, le plus intime. Et le plus élégiaque – magnifique lumière de Gerry Fisher, chef op attitré de Losey, notamment sur Accident et Le Messager. Chronique d’une famille perpétuellement en fuite, traquée par le FBI pour avoir commis un attentat contre un laboratoire fabriquant du napalm, A bout de course se concentre moins sur le contexte politique que sur les relations familiales. Et plus particulièrement sur l’aîné, las de quitter tous les six mois son école, ses amis, son identité. Et incapable de se projeter vers l’avenir, obligé d’endosser la faute de ses parents.
River Phoenix, le DiCaprio des 80’s, lui apporte tout le rayonnement et la sensibilité qui caractérisaient son jeu. L’un de ses trois grands rôles, avec Stand by me et My own private Idaho.
On ne peut pas danser sur du Beethoven
"Question de tempo, on ne peut pas danser sur du Beethoven", apprend-on au cours du film. Eh bien, Lumet semble appliquer à la lettre ce principe : question de tempo, il ne peut pas filmer cette fugue familiale comme il filme New York. Pour une fois, comme l’a remarqué Bertrand Tavernier dans son indispensable 50 ans de cinéma américain, Sidney Lumet prend son temps. Et s’attache à ses personnages, plus qu’au suspense qu’aurait pu générer cette intrigue. Et c’est tout simplement bouleversant. A l’instar de la scène où le père apprend la disparition de sa mère, ou lors des retrouvailles entre la mère et son propre père, un conservateur qu’elle n’avait pas vu 14 ans durant.
Si vous ne sortez pas la gorge nouée de ce film à redécouvrir absolument, c’est définitivement que vous n’êtes pas digne de lire ce post !
Travis Bickle

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