jeudi 9 avril 2009

La Chine d’Antonioni : renaissance d’un film mythique

En salles : Ami cinéphile, c’est à un énorme événement auquel tu vas pouvoir assister : la renaissance d’un film devenu mythique car quasiment invisible depuis plus de 35 ans, le documentaire-somme qu’a consacré Michelangelo Antonioni à la Chine de Mao, La Chine Chung Kuo.
Un documentaire, oui, car on l’a peut-être oublié : les premiers pas d’Antonioni, le grand prêtre formaliste de l’incommunicabilité – je résume et caricature… - c’est au documentaire qu’il les doit : Gente del Pô, Superstitions ou bien Nettoyage urbain. Désormais des classiques du genre réalisés tout juste après la seconde guerre mondiale, dans lesquels le talent pictural de son auteur commençait à poindre, sous des dehors de néo-réalisme.
Etonnant Voyage
Revoir La Chine d’Antonioni aujourd’hui, c’est d’abord plonger dans une époque et un pays, en pleine croissance économique et idéologique. Mais là où son contemporain Joris Ivens – Comment Yu-kong déplaça les montagnes – se focalisait sur l’Homme nouveau, Michelangelo Antonioni, bien que diligenté par les autorités chinoises, se concentre sur les visages.
De Pékin à Shangaï, en passant par Nankin, hommes, femmes, enfants, dominent le paysage qu’il brosse de l’Empire du Milieu. Pas de propagande à la louange du maoïsme : non, juste un regard juste, à hauteur d’homme, qui fait de cette masterpiece – 3 heures et demie, quand même – un étonnant voyage à travers le temps et l’espace. Villipendé par les autorités, le film est interdit en Chine, où il ne sera présenté officiellement qu’en 2004.
Un cinéaste au faîte de sa gloire
Découvrir Chung Kuo, c’est également voyager à travers l’oeuvre d’Antonioni. Tourné entre deux escapades à dominante américaine - Zabriskie Point et Profession reporter - , ce documentaire-somme témoigne du goût du voyage, du risque, de la remise en cause, de l’interrogation d’un homme sur son art et sur ce qui fait d’un homme un homme : la qualité de son regard, la justesse de son propos, l’humilité de sa démarche.
A rebours du cliché qui colle à la peau du cinéaste italien - prétentieux, inacessible et snob, pour aller vite - ce film prouve tout le contraire : tourné caméra à l’épaule, en moins de 3 semaines, il fait montre d’une richesse, d’une vivacité et d’une acuité peu communes chez un cinéaste alors âgé de 60 ans, au faîte de sa renommée.
Bref, à redécouvrir absolument, plutôt en salles, bien sûr, mais aussi en DVD, enrichi de deux entretiens, dont l’un avec le principal collaborateur du réalisateur, Carlo di Carlo, qui revient sur la genèse et la postérité du film. Une double ressortie à l'initiative de
Carlotta.
Travis Bickle

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