mardi 1 septembre 2009

Un prophète : Audiard est grand et Rahim est son prophète.

En salles : Tout comme les plus grands, Jacques Audiard compose des univers reconnaissables entre tous. Très sombres, ses films mettent en scène un personnage principal dont la nature véritable se révèle à mesure qu'il est confronté à des situations auxquelles il aurait voulu échapper (j'invoque là tous les anti-héros que recèle la filmo du maître : du faux résistant d'Un héros très discret à la vraie garce de Sur mes lèvres).
La fatalité qui imprègne leur destin se lit dans la maîtrise d'une réalisation laissant peu de place à l'interprétation, comme dans une direction d'acteur précise et rigoureuse. Le grain terne de la pellicule, les caractères frustres et frustrés de la plupart des autres protagonistes, la réalité souvent sordide (mais pas désenchantée : il n'y a pas de cynisme dans les scenarii mis en scène par Audiard), suffisent ensuite à identifier l'oeuvre du grand Jacques.
A partir de petites histoires qui auraient pu être anecdotiques s'ils elles avaient été traités par un autre que lui, il nous emmène dans une dimension où le récit prend des allures de mythe.
Paroxysme et ascèse

Un prophète, sélectionné en compét officielle au Festival de Cannes 2009, n'échappe pas à ces "règles". Il les transcende en les poussant à leur paroxysme. Comme si l'ampleur des thèmes évoqués - la mort, le pouvoir, la connaissance, l'enfermement - demandait l'ascèse des situations : un jeune homme "innocent" (illettré il n'a aucun repère culturel ou religieux) doit survivre à l'enfer carcéral. Il n'y a rien dans ce film qui ne soit pas au service de l'histoire, pas de coquetterie de réalisateur surpayé, pas de numéro d'acteur décalé, pas d'artifice. Juste Malik qui vient de prendre 6 ans fermes pour agression. Juste Malik dont la personnalité s'affirme sous les coups de ses tortionnaires. Juste Malik qui apprend petit à petit toutes les ficelles d'une voyoucratie qu'il n'apprécie pas. Et pourtant tellement plus.

Pour servir ce parcours initiatique atypique, Audiard a choisi Rahim Tahar. Bien lui en a pris car Rahim crève l'écran de la seconde où il apparaît au générique de fin. Il passe de la naïveté à l'assurance des plus grands sans que jamais le spectateur ne surprenne l'effort de l'acteur. Son regard noir hante le film et ne vous lâche plus. Et tout ça sans tatouage.

Mon conseil : si un film suscite autant de critiques positives, c'est qu'il doit y avoir une raison. Courez-y avant qu'Audiard n'envisage plus sérieusement une suite...

Sentenza

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