jeudi 6 février 2020

Kirk Douglas : une carrière en 10 mots


[MàJ] Artistes : Quelques mois après son 103e anniversaire (comme Olivia de Havilland en juillet 2019), Kirk Douglas s'en est allé. Né le 9 décembre 1916 à Amsterdam (Etat de New York), Issur Danielovitch Demsky est le seul garçon d’une famille de 7 enfants. Enfance très pauvre, qui le conduit à plusieurs métiers, avant d’embrasser une carrière d’acteur de théâtre, sa formation d’origine. C’est au tournant des années 1940 qu’il trouve son pseudo – Douglas, en hommage à Douglas Fairbanks, son idole de jeunesse, Kirk, parce qu’il le trouve frappant. Pseudo approuvé par sa grande amie de l’époque, Betty Perske, future Lauren Bacall. Occasion pour nous de revenir sur sa carrière en 10 mots clés, de A comme Acteur à T comme TV en passant par F comme France. Moteur !



Acteur
Formé au théâtre, c’est au cinéma que Kirk Douglas s’épanouit vraiment. Acteur physique, beau gosse, charmeur, fossette et sourire légendaires, il garde néanmoins de sa formation initiale un goût pour les personnages certes physiques, mais à l’âme tourmentée. Dont le prototype est le Van Gogh qu’il incarne avec maestria pour Vincente Minnelli dans La Vie privée de Van Gogh ou Eddie Fisher pour Elia Kazan dans L’Arrangement. Préférant les rôles de personnages durs, intransigeants, égoïstes, au point d’avoir été baptisé par le magazine Photoplay "L’Homme le plus détesté de Hollywood", - archétype qu’il impose dès son premier gros succès public Le Champion, en 1949 - il ne néglige pas pour autant les rôles de héros positifs, solaires, et débonnaires, et qui ont marqué notre enfance de cinéphile, à l’instar de ceux qu’il incarne dans 20000 Lieues sous les mers, La Captive aux yeux clairs ou Les Vikings. Bref, à mi-chemin entre les techniciens de l’Actor’s studio comme Paul Newman ou Marlon Brando, et les intuitifs à la Gary Cooper ou Burt Lancaster. Près d’une centaine de films au total, 3 nominations seulement, et aucune statuette à l’arrivée, hormis un Oscar d’honneur en 1996.



Cannes
Désigné président sur une méprise – cette année-là, c’est Sirk Douglas (Douglas Sirk) qui devait présider, mais une coquille en décida autrement ! - il fut un remarquable président de Jury en 1980, et couronna cette année-là ex-aequo Kagemusha d’Akira Kurosawa et All that jazz de Bob Fosse. Gilles Jacob a raconté à Cineblogywood la délibération mouvementée de sa présidence.



Engagement
Même si Kirk Douglas s’engagea publiquement aux côtés des Démocrates, et notamment de Kennedy et de Jimmy Carter, ses films parlent pour lui. Il fut ainsi l’un des premiers à dénoncer le racisme contre les Indiens dans La Captive aux yeux clairs d’Howard Hawks ; ou à louer le pacifisme et dénoncer la militarisation à tout crin les excès du pouvoir militaire dans Sept jours en mai et Les Sentiers de la gloire ; ou bien à prendre des risques en imposant Dalton Trumbo au scénario de Spartacus, alors qu’il était boycotté par Hollywood en raison de ses sympathies communistes.




France
On le sait peu, mais Brigitte Bardot doit à Kirk Douglas l’une de ses premières apparitions au cinéma dans Un acte d’amour (1953) d’Anatole Litvak. Tournage sur lequel il rencontre une jeune attachée de presse d’origine belge, Anne Buydens, future madame Douglas. Si l’on oublie le film d’espionnage Les doigts croisés (1970) où il côtoie Marlène Jobert, Bernadette Lafont et Bernard Blier, son idylle avec la France se poursuit par un passage mémorable sur le plateau d’Apostrophes de Bernard Pivot en 1989 pour la sortie de son autobiographie Le Fils du chiffonnier. Jacques Séguéla était venu présenter son livre intitulé Il n'est jamais trop star, dans lequel il indiquait qui était une star et qui ne l'était pas. Kirk Douglas n'était pas cité. Pour s'en tirer, le publicitaire expliqua que Douglas était une immense vedette mais pas une star car sa célébrité s'appuyait sur une valeur négative, la colère. Regard noir de l'acteur, qui déclara à peu près en ces termes : "Je suis heureux de rencontrer celui qui décide qui est une star et qui ne l'est pas". Bafouille de Séguéla. Nouvelle réplique cinglante de Kirk. Séguéla lâcha même avoir peur de se faire casser la gueule avant de ne plus l'ouvrir de toute l'émission. 
On le sait moins mais Kirk Douglas a tenu le rôle principal dans un beau film français, passé hélas un peu inaperçu, Veraz, de Xavier Castano.



 



Genres
Peu de genre ont échappé à l’acteur : peplum, guerre, science-fiction, polars, thrillers, fantastique, drame, western, et même comédie ! Seul peut-être lui échappe la comédie musicale – même si on ne pourra jamais voir le musical qu’il tourna en 1973 d’après Docteur Jeckyll et Mister Hyde, diffusé seulement à la TV britannique et jamais sorti en salles dans le reste du monde. Mais on se souviendra longtemps de ses numéros de banjo dans 20.000 Lieues sous les mers !



Nanars
Comme beaucoup d’acteurs de sa génération, Kirk Douglas connaît une fin de carrière qui ne se situe pas à la hauteur stratosphérique de son époque de gloire. Qu’on se souvienne de Un homme à respecter (1970), film de casse italien de Michele Lupo avec Giuliano Gemma ; d’Holocauste 2000, d'Alberto de Martino en 1978, involontaire plagiat de La Malédiction, de Richard Donner ; ou de Saturn 3, film de SF réalisé par... Stanley Donen, avec Farrah Fawcett et Harvey Keitel ; ou bien encore Cactus Jack (1979) de Hal Needham, affligeante parodie de western, dans lequel il donne la réplique à Arnold Schwarzenegger.



Producteur
Dans sa volonté de contrôler les moindres détails des films au point de s’ingérer jusque dans la réalisation au grand dam d’un Billy Wilder qui s’en offusqua pendant le tournage du Gouffre aux chimères, il crée sa propre maison de production, Bryna Productions (second prénom de sa mère) à la fin des années 50. Ce qui lui permet de conserver le contrôle de certains de ses films les plus emblématiques, Seuls sont les indomptés (1962), de David Miller, notamment, western crépusculaire formellement éblouissant, au point qu’on a longtemps soupçonné l’acteur d’avoir détenu la caméra. Rajoutons à son actif de producteur Les Sentiers de la gloire et Spartacus, qui lui permet d’imposer Stanley Kubrick aux studios. Il co-produit également deux masterpieces de John Frankenheimer, le diabolique Seconds (1966) et le furieux Grand Prix (1967)



Réalisateur
Kirk Douglas a officiellement deux films à son actif : Scalawag (1973), resté inédit en salles en France, adaptation de Stevenson complètement ratée, aux dires de ceux qui l’ont vu, et de Kirk Douglas lui-même ; La Brigade du Texas (1975) western auquel il rend la réplique à Bruce Dern, d’une brutalité qui en étonnèrent plus d’un. Officieusement, il semble avoir prêté main forte à Kubrick sur le tournage de Spartacus, et avoir pris le contrôle du tournage de Seuls sont les indomptés (1962), de David Miller, la "suite" non-officielle de L’Homme qui n’a pas d’étoile, de King Vidor (1955).



Tableau de chasse
Kirk Douglas possède peut-être la plus belle filmographie de tous les acteurs de son temps avec à son actif Stanley Kubrick, Elia Kazan, Joseph Mankiewicz, Vincente Minnelli, Howard Hawks, Raoul Walsh, André de Toth, Robert Aldrich, King Vidor, Anthony Mann, John Huston, Richard Fleischer, Otto Preminger, Billy Wilder, William Wyler, John Sturges, René Clément, John Frankenheimer, Brian de Palma ! Il manque juste John Ford et Sidney Lumet pour peaufiner cet éclatant tableau de chasse ! Mon top 5 ? L’arrangement, Kazan ; Les Ensorcelés, Minnelli ; Spartacus, Kubrick ; 20.000 lieues, Fleischer ; Seuls sont les indomptés, Miller.



TV
Kirk Douglas fut l’un des premiers à s’intéresser de près à la TV : il tourne dans une saga tirée de Arthur Hailey, Les Hommes d’argent (1976), qui se déroule dans les milieux d’affaires américains.

Travis Bickle

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