mercredi 6 février 2019

Burning : un thriller entêtant

En DVD et Blu-ray : Grand absent des prix remis au Festival de Cannes 2018, Burning est désormais disponible en vidéo, chez Diaphana. Ce thriller atypique marque le retour derrière la caméra de Lee Chang-dong après huit ans d'absence. 


Adapté d'une nouvelle d'Haruki Murakami, Burning met en scène un trio improbable. Jongsu est un jeune homme taiseux qui veut devenir écrivain mais travaille comme livreur pour gagner sa croûte. Un jour à Séoul, il se fait aborder par Hae-mi, une ancienne camarade de classe extravertie qui veut pour sa part devenir actrice. Ils finissent par coucher ensemble - c'est certainement le dépucelage de Jongsu. Mais leurs chemins se séparent momentanément : Jongsu doit aller s'occuper de la ferme familiale tandis que Hae-mi part en voyage en Afrique. A son retour, Jongsu l'attend à l'aéroport ; elle est accompagnée de Ben, un Sud-Coréen rencontré au Kenya. Ce dernier se révèle l'antithèse de Jongsu : il est riche et plein de charme. Jongsu est décontenancé par la complicité entre Hae-mi et Ben, d'autant que ce dernier semble se jouer d'elle.


Nous avançons dans l'histoire au rythme de la démarche traînante de Jongsu. Sous son air un peu ahuri, le jeune homme cache une sensibilité refoulée, qu'il n'a pu exprimer auprès de ses parents, et qu'il a du mal à partager avec Hae-mi. Yoo Ah-in fait un sacré bon boulot pour ne pas faire passer son personnage pour un gentil benêt. Jongsu est un peu gauche, pas mal bizarre, mais Yoo Ah-in lui donne de l'épaisseur et parvient à teinter son innocence d'une certaine étrangeté. Jeon Jong-seo incarne pour sa part une jeune femme qui détonne par son exubérance et sa liberté. Pas étonnant qu'elle séduise son ancien camarade de classe. L'actrice l'interprète avec fraîcheur et générosité. Quant à Ben, il est joué par Steven Yeun, vu dans The Walking Dead, Okja et à l'affiche en ce moment dans Sorry to bother you. Son physique de beau gosse au sourire ravageur fait immédiatement de Ben un séducteur intrigant, dont on attend que la duplicité éclate au grand jour.

Chaque personnage avance nimbé d'une aura étrange, comme porteur d'un secret qu'il cache sous des mensonges ou qu'il révèle sans que l'on soit certain de sa véracité. Hae-mi se moque-t-elle de Jongsu ? Ben se moque-t-il d'Hae-mi ? Cherche-t-il à également séduire Jongsu ? Alors que ces relations complexes se mettent en place, le doute et la méfiance s'installent chez Jongsu. Lee Chang-dong prend un malin plaisir à brouiller les pistes. Il impose un rythme lent, contemplatif, parfaitement adapté au voyeurisme de Jongsu. L'ombre lointaine d'Hitchcok plane sur le film. Je n'ai pu m'empêcher non plus de penser à Plein Soleil, pour ce trio marqué par le désir et l'envie, même si la comparaison s'arrête là. 

Menace et poésie

Le cinéaste brosse par ailleurs un tableau très réaliste et désespérant de la société coréenne : les gens s'y côtoient sans se connaître, ni vouloir le faire d'ailleurs. Les relations humaines semblent réduites au minimum, y compris au sein d'une famille ou d'une communauté. Une menace sourde pèse sur la vie quotidienne, comme ces messages de propagande diffusés par hauts-parleurs depuis la Corée du Nord. De ce réalisme cru naît une forme de poésie entêtante, magnifiée par la photo de Hong Kyeong-pyo.

Burning est un film d'atmosphères, un peu mystérieux, un peu dérangeant. Un film prenant qui s'achève de manière complètement inattendue.

Anderton

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