mercredi 27 mars 2019

Basquiat - RBG : gros plans sur deux icônes pop

En DVD : Deux passionnants documentaires s'intéressent à des personnalités américaines qui ont bousculé les codes et changé la donne aux Etats-Unis, au point de devenir des icônes de la pop culture. L'une est l'artiste Jean-Michel Basquiat, l'autre la juge Ruth Bader Ginsburg.



Basquiat un adolescent à New York 
Un film de Sara Driver (Le Pacte)

A la fin des années 70, New York s'est enfoncé dans la faillite. Immeubles à l'abandon, rues livrées à elles-mêmes. La drogue et la violence se sont répandues dans la métropole. Une ambiance décadente contrebalancée par une formidable énergie créative. Alors que le hip hop jaillit du ghetto, le punk et la new wave investissent les discothèques, l'art quitte les galeries des beaux quartiers. Ces mouvements se côtoient, s'inspirent les uns des autres, fusionnent parfois. C'est dans ce chaos qu'apparaît Jean-Michel Basquiat. Origines portoricaines et haïtiennes. 100% New-Yorkais. Celui qui n'est encore qu'un ado arpente Manhattan et l'East Village. Coupes de cheveux improbables, look détonnant, propos rares et empreints de poésie. Basquiat fascine également par sa beauté. Les femmes en sont folles. Dans les clubs et sur les scènes arty, il disparaît aussi soudainement qu'il est apparu mais laisse une impression durable. Comme sur les murs, où sous le pseudo de Samo il couche des graffitis poétiques. Entre ses mains, l'objet du quotidien ou récupéré dans une décharge devient une oeuvre d'art. Le foutraque laisse bientôt place à un style, reconnaissable puis reconnu. Un artiste est né.

Compagne et collaboratrice de Jim Jarmusch, Sara Driver parvient à retranscrire dans son film tout l'esprit d'une époque et d'une ville. Elle a collecté une masse d'images d'archives, en noir et blanc ou en couleurs, de qualité variable, qu'elle a montées sur une bande-son bien énervée. Elle a également interviewé quelques-uns des protagonistes de ce New York disparu, artistes (le graffeur Lee Quinones, le touche-tout Fab 5 Freddy, Jim Jarmusch...), critiques d'art, journalistes et autres fêtards, qui ont côtoyé Basquiat. Ils évoquent un jeune homme fantasque et ambitieux, dont le talent a éclaté sous leurs yeux. En revanche, si la réalisatrice a exhumé beaucoup de films et d'émissions où apparaît l'artiste, elle ne nous fait jamais entendre sa voix. Un parti pris qui contribue à rendre compte de sa présence fantomatique tout en entretenant une sorte de mystère autour de ce génie qui mourra dix ans plus tard. A l'âge de 27 ans. Ce documentaire rythmé plaira autant aux amateurs d'art qu'aux fans de hip hop et aux amoureux de la Grosse Pomme.


RBG 
Un film de Betsy West et Julie Cohen (L'Atelier d'images)

Méconnue en France, Ruth Bader Ginsburg est une star aux States. Au point que ses jeunes fans l'ont surnommée Notorious RBG. Pas banal pour une femme femme toute menue de 85 ans qui est juge à la Cour Suprême des Etats-Unis. Au-delà de ses coups de com (une vidéo la montre dans une salle de muscu, de quoi faire réagir Stephen Colbert) et de ses apparitions à l'opéra, dont elle est folle, Ruth a surtout suscité le respect et l'admiration de générations d'Américaines et d'Américains pour son combat acharné en faveur de l'égalité femmes-hommes, et plus récemment pour ses positions contre la politique de Donald Trump.

Le duo de réalisatrices revient sur la vie de cette grande dame, qui s'est d'abord battue pour elle-même. En 1956, elle intègre l'Ecole de droit de Harvard, dont le doyen demande aux quelques étudiantes de sa promotion : "Comment justifiez-vous de prendre la place d'un homme compétent ?" Alors qu'elle élève deux jeunes enfants et que son mari tombe gravement malade, Ruth tient le foyer à bout de bras tout en étudiant avec acharnement. Son mari Martin part travailler à New York ; elle le suit et intègre la prestigieuse Columbia Law School, dont elle sort diplômée et première de sa classe. Au début des années 70, elle s'engage dans la défense des droits des femmes. S'inspirant des méthodes de la lutte pour les droits civils, elle s'en prend aux discriminations à l'encontre des femmes... mais aussi des hommes. En 1993, elle intègre la Cour suprême, où ses avis - souvent en désaccord avec ceux de ses collègues - ont un grand retentissement.

Le documentaire parvient à montrer l'apport fondamental de RBG à la progression de la cause des femmes tout en nous faisant entrer dans son intimité. Derrière son statut récent d'icône pop, avec lequel elle joue, se dévoile une femme déterminée, travailleuse jusqu'à l'excès - au point que son mari venait parfois la chercher à son bureau et la portait jusqu'à chez elle, au point également que ses enfants (interviewés) se sont parfois sentis négligés. Une femme amoureuse aussi : la relation fusionnelle qu'elle a entretenue avec son mari, un homme joyeux et drôle, vous fera parfois monter les larmes aux yeux. En bonus du DVD, une interview de la réalisatrice Betsy West et un entretien avec Zabou Breitman, qui parle magnifiquement de la juge à qui elle prête sa voix dans la version française. RBG est une femme étonnante à laquelle ce documentaire émouvant rend un bel hommage.


Anderton

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