En Blu-ray et DVD : Avec Un Cri dans la nuit (Evil Angels, également intitulé A Cry in the Dark, 1988), Fred Schepisi relate un fait-divers horrible qui est devenu une affaire judiciaire à l'immense retentissement médiatique, au point de passionner les Australiens pendant plusieurs années. Il offre également l'occasion à Meryl Streep et Sam Neill de livrer des prestations inoubliables.
Les Chamberlain partent camper en famille au pied d'Ayers Rock - Uluru pour les aborigènes. Un soir, Lindy hurle : elle vient de voir un dingo entrer dans la tente et ressortir avec son bébé entre les crocs. Tous les campeurs partent traquer le chien sauvage. En vain. De la petite Azaria, il n'est retrouvé que son vêtement ensanglanté. La presse australienne s'intéresse au drame. Peu à peu, la version de Lindy est remise en cause dans les médias et par la police. Une enquête est ouverte pour infanticide.
Cette histoire terrible est vraie. Elle s'est produite en 1980 et a déchaîné les passions en Australie. L'enlèvement du bébé par un dingo semblait irréaliste tandis que le couple Chamberlain, des adventistes pratiquants, divisait l'opinion, surtout Lindy, dont le comportement et les propos la rendirent immédiatement suspecte aux yeux du public. Dans un passionnant entretien proposé en bonus par L'Atelier d'images, Fred Schepisi explique avoir longtemps hésité avant de réaliser le film, d'autant que l'affaire était toujours en cours. Une fois sa décision prise, son engagement a été total, le laissant épuisé au terme de cette aventure.
Face au drame
Conscient qu'il relate une histoire vraie, impliquant un couple dont la vie a volé en éclats, le cinéaste australien se garde de toute surenchère ou d'effet de mise en scène. Il s'attache à montrer le point de vue des Chamberlain, frappés par l'indicible, qui puisent dans leur foi la force de reprendre le cours de leur vie au côté de leurs deux garçons. Mais la pression médiatique les empêche de faire le deuil de leur enfant. Schepisi met en avant le cynisme des journalistes, engagés dans une course à l'audience, le harcèlement qu'ils font subir à Lindy et son mari, les blagues sordides dans les salles de rédaction... Et il ponctue le film de courtes séquences mettant en scène des Australiens de toutes conditions qui commentent, jugent, se déchirent. On pense au célèbre dessin de Caran d'Ache, Un dîner en famille, qui montre comment l'affaire Dreyfus a rendu fous les Français.
La grande réussite du film tient à ce qu'il nous fait prendre conscience de la puissance et de la légèreté de l'opinion lorsque la machine médiatique s'emballe. On se moque, on se dispute, on lance ou colporte des rumeurs en oubliant que des existences sont brisées. Schepisi n'a pas besoin d'appuyer son propos. En quelques images, il nous fait ressentir la souffrance d'un couple doublement frappé par le drame et le comportement odieux ou désinvolte que chacun d'entre nous a pu avoir lors d'un fait-divers médiatisé.
Le film est servi par deux comédiens exceptionnels. Meryl Streep, grimée, s'est appropriée l'accent australien et campe une femme qui ne suscite aucune sympathie, dont on ne comprend pas toujours les réactions mais dont la comédienne parvient à nous transmettre la détresse. Elle est bluffante et a d'ailleurs remporté en 1988 le prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes. Quant à Sam Neill, il incarne un mari dépassé par les événements, qui va peu à peu douter, de sa femme comme de sa foi. Il est poignant. Autant de raisons de (re)découvrir ce film qui n'a pas pris une ride.
Anderton
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