En Blu-ray et DVD : A un mois de la sortie au cinéma de son nouveau film, Fumer fait tousser, Quentin Dupieux s'installe dans les rayons vidéo avec Incroyable mais vrai. Et une fois de plus, l'artiste parvient à se réinventer et nous surprendre. Voici quatre raisons de se procurer cette bonne édition vidéo signée Diaphana.
1) Une histoire étonnante, surprenante, marrante, émouvante
Alain et Marie tombent sous le charme d'une belle propriété, dont l'agent immobilier vante par ailleurs un incroyable atout. Peu après leur emménagement, ils invitent leurs amis Gérard et Jeanne à dîner. Lesquels leur annoncent une nouvelle tout aussi incroyable. Les vies du quatuor s'en trouvent irrémédiablement bouleversées. Et pas que pour le meilleur.
A la sortie du film en salles, j'avais bien veillé à ne pas me renseigner sur l'histoire, d'autant que d'alléchants teasers entretenaient bien le mystère. Je n'en écrirai donc pas plus, ça serait gâcher le plaisir. Je vous recommande de ne pas chercher à gratter des infos sur la toile. Matez le film vierge de toute influence (enfin, terminez la lecture de cette chronique quand même, merci) et appréciez ces moments d'attente impatiente, comme il en existe trop rarement au cinéma. D'autant que Quentin Dupieux balance l'incroyable secret de la maison, avec un sens aigu du dévoilement par l'intermédiaire de Stéphane Pezerat, formidable en agent immobilier qui sait faire monter la sauce. C'est un strip-tease cinématographique qui, contrairement à un effeuillage dans un cabaret de zone industrielle, tient toutes ses promesses : le secret est en effet étonnant. Idem pour l'annonce du couple d'amis : elle aurait d'ailleurs pu donner lieu à du graveleux mais Dupieux évite l'écueil. La grâce l'habite (électronique).
Et au-delà de la comédie qui infuse son univers, le cinéaste aborde avec une gravité qui n'est certes pas inédite dans son oeuvre mais plus poussée qu'à l'accoutumée, il aborde donc toujours avec son approche originale et décalée, il aborde enfin (voilà que je fais mon agent immobilier) la fragilité de l'amour, le temps qui passe, qui lasse, qui casse le couple, l'addiction, la recherche effrénée d'un bonheur factice. Le tout dans un contexte d'hyper-normalité dans laquelle les personnages se perdent et qu'ils cherchent à fuir en faisant subir à leurs corps des transformations contre-nature. C'est émouvant d'assister à la déliquescence des couples, notamment celui formé par Chabat et Drucker. L'antithèse de la séquence qui ouvre Là-haut.
2) Une démarche (ré)inventive
Quentin Dupieux n'aime pas se répéter. Dans le fond comme dans la forme. C'est ce qui rend ses films si intéressants. On saute dans un étrange inconnu toujours renouvelé. Cette fois-ci, le cinéaste a décidé d'employer un objectif de caméra vintage qui rend floue la majeure partie de l'image. Une manière peut-être d'illustrer la solitude des personnages, perdus dans un quotidien d'une affligeante banalité et déconnectés de leurs proches.
Le film joue sur la ligne de temps : dans le récit mais également dans sa construction et sa mise en scène. Belle idée de nous décontenancer en insérant des scènes de la nouvelle vie du couple pendant sa visite de la maison. On s'y perd un peu, comme les protagonistes. Tandis que dans son dernier tiers, le film accélère son rythme grâce à une longue séquence sans paroles au cours de laquelle le spectateur assiste à l'évolution des personnages, emportés par leurs frustrations et leur incapacité à maintenir des relations sociales stables. Le tout sur du Bach également revisité aux synthétiseurs puisque Dupieux reprend pour la musique du film l'intégralité d'un court album datant des années 70 (et qui a réveillé quelques souvenirs chez bibi) : Jon Santo plays Bach. Là encore une belle trouvaille : le tempo allegro de cette réinterprétation électronique jure avec la normalité du contexte ou accompagne l'accélération du récit. Un décalage enjoué qui fait autant ressortir la comédie des situations que le drame sourd qui se joue au sein des couples.
3) Un quatuor enrichi
On retrouve à l'affiche deux acteurs fétiches de Dupieux : dans le rôle inhabituel d'un personnage qui a du vague à l'âme et aux cheveux, Alain Chabat livre une interprétation toute en nuances, avec beaucoup de retenue, ce qui le rend particulièrement touchant ; Anaïs Demoustier campe pour sa part une "personnalité" marquée, qu'elle habite avec un premier degré fendard. Le cinéaste les a associés à deux nouveaux venus dans son univers : Léa Drucker, parfaite en femme aux pieds sur terre qui justement perd progressivement pied... et raison ; et Benoît Magimel, qui incarne un beauf dont il parvient pourtant à faire jaillir la fragilité. Aux quatre cadors, s'ajoute un second rôle capital (l'agent immobilier) tenu de main de maître par Stéphane Pezerat. On croise également Grégoire Bonnet et Roxane Arnal. Comme à son habitude, Michel Hazanavicius vient faire un caméo : après l'ambulancier dans Au poste !, il apparaît cette fois-ci derrière l'appareil d'un photographe de mode.
4) Un commentaire éclairant
Diaphana accompagne le film des trois teasers diffusés pour la sortie en salle. Pas de making of ou d'interviews des talents mais un commentaire audio passionnant. Dupieux excelle dans cet exercice. Il s'y était prêté avec Jean Dujardin pour l'édition vidéo du Daim, cette fois-ci, il est seul au micro. D'emblée, il prévient qu'il n'a rien préparé mais on l'écoute captivés raconter ses choix techniques (mise en scène, montage, musique), émettre ses doutes ou affirmer ses convictions, rendre hommage à ses acteurs. C'est typiquement ce qui rend indispensable le support numérique et qui fera que cette édition ne passera pas à la trappe (pun intended).
Anderton
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