A l'occasion des 20 ans du Festival du film coréen à Paris (FFCP), David Tredler, chef programmateur, revient pour CINEBLOGYWOOD sur les étapes-clés de l'organisation de cette édition 2025.
Découvrez la première partie de l'entretien qui couvre la période de novembre 2024 à juillet 2025.
J’imagine que votre activité se calme un peu en août avant de redémarrer en septembre, à un mois de la nouvelle édition du festival. C’est à ce moment que vous commencez les recrutements de bénévoles ?
Oui, on reprend en général d’anciens bénévoles et on inclut quelques nouveaux. Ce sont des spectateurs habitués du festival, qui en apprécient l’ambiance et veulent y prendre part autrement ; ce sont aussi des passionnés de culture coréenne, des étudiants en cinéma et en langue coréenne, des Coréens… Sinon en septembre, les acquisitions se poursuivent : il faut contacter les distributeurs, négocier les tarifs, la venue des talents… Nous organisons aussi les plannings de projection de l’édition à venir. Nous lançons les sous-titres des films en français en nous appuyant sur un pool de traducteurs. Cela prend énormément de temps : on commence début août pour finir à la veille du festival. A une époque, pour traduire un film, ça demandait 30 à 40 heures de boulot car nous ne recevions pas toujours les fichiers ; aujourd’hui, les producteurs, distributeurs, vendeurs nous font confiance et nous adressent plus volontiers les screeners [copies des films avant leur sortie, NDLR].
Pour organiser la venue des talents à Paris, bénéficiez-vous de l’aide du Centre culturel coréen ou de l’ambassade de Corée ?
Non, on gère nous-mêmes. Nous avons des sponsors, une compagnie aérienne et une agence de voyages coréennes, qui nous facilitent les choses pour réserver les billets d’avions et les chambres d’hôtels mais nous gérons quand même directement avec les boîtes de prod coréennes.
Les partenariats sont-ils reconduits d’une année sur l’autre ou devez-vous à chaque fois chercher des sponsors entre deux éditions ?
Kia, Asiana Airlines, EPS, Nongshim, le Centre culturel coréen, l’ambassade de Corée… ce sont pour la plupart des partenariats de longue date, avec un accord tacite de prolongation. On leur fait un retour à la fin de chaque édition et on essaie en amont de s’assurer qu’ils repartent pour l’année suivante.
Arrive le mois d’octobre. Que se passe-t-il pendant ces dernières semaines, à part le fait que vous ne mangez plus, que vous ne dormez plus…
[Rires] La traduction des films continue. D’un point de vue technique, nous recevons les DCP [Digital Cinema Package, copie numérique du film, NDLR] des longs-métrages mais pour les courts-métrages, nous les créons nous-mêmes. Nous faisons enregistrer les films auprès du CNC car pour projeter des films en France et générer de la billetterie, il faut un visa d’exploitation. La plupart des films comme les nôtres n’ont pas de distributeur en France et il nous faut donc remplir pendant des heures et des heures tout un tas de dossiers auprès du CNC afin d’obtenir des visas exceptionnels. Nous finalisons également l’accueil des talents, la réservation des dernières chambres d’hôtel, la gestion des plannings… Il y a aussi toute la partie communication : générer l’intérêt sur les réseaux sociaux, diffuser du contenu, présenter les films… Qu’est-ce qu’il y a d’autre ? C’est déjà pas mal !
Projetons-nous maintenant à l’ouverture du festival, qui se déroulera du 28 octobre au 4 novembre 2025. Quel est plus précisément votre rôle ? Je vous ai souvent vu présenter les films avant leur projection. Est-ce que vous le faites pour chaque film ?
Aucune séance n’est lancée sans que quelqu’un de l’équipe ait présenté le film. Cela peut être moi, Julien Chardon ou Emmanuelle Spadacenta [programmateurs, NDLR] dans mon équipe pour les longs-métrages ; c’est une autre équipe pour les courts-métrages. Cela nous tient à cœur, cela fait partie de l’âme du festival et c’est ce qui nous démarque d’une séance de cinéma ordinaire. On a bossé toute l’année, on a choisi les films avec soins, on en a débattu entre nous donc on veut être là pour expliquer nos choix ou pour éventuellement contextualiser un film par rapport à l’Histoire coréenne que tout le monde ne connaît pas forcément. C’est important que nous soyons au contact des spectateurs. On organise aussi des tombolas pour faire gagner des lots au public et bien sûr, il y a les séances avec des invités qui veulent dire un petit mot avant la projection ou répondre aux questions du public après.
Est-ce que vous amenez un sac de couchage, du change et vous squattez le Publicis pendant une semaine ? Les journées doivent être longues…
Les journées sont longues. A titre personnel, j’arrive avant le début des premières séances, qui démarrent à 11h45-midi, et je pars après la dernière séance, qui se termine en général vers 23h. Après, on peut aller dîner avec un réalisateur, boire un coup avec l’équipe. On rentre à la maison rarement avant minuit et demi-une heure. Mais on prend quand même le métro pour rentrer tous les soirs [rires].
Que nous réserve l’édition 2025 ? C’est le 20e anniversaire, il doit forcément y avoir des événements spéciaux…
Il y aura des talents venus de Corée et beaucoup de surprises tout au long du festival. L’équipe de sélection des courts-métrages a fait une sélection coups de cœur en retournant chercher des œuvres qui l’avaient marquée lors des éditions précédentes. Pour les longs-métrages, nous allons projeter les huit films qui ont obtenu le Prix du public lors des éditions passées. C’est un prix que nous avons créé il y a une dizaine d’années. Aucun de ces films n’a été rediffusé en France car ils n’ont pas trouvé de distributeur. Et ça fait des années qu’à chaque édition, des spectateurs viennent me trouver en me demandant comment ils peuvent revoir tel ou tel film. Aucun n’a même été édité en DVD.
C’est d’ailleurs étonnant. Il y a bien The Jokers ou Metropolitan Filmexport qui sortent des films coréens en vidéo mais on pourrait s’attendre à ce que le Festival donne l’idée à d’autres éditeurs vidéo de proposer des sorties DVD ou Blu-ray…
C’est pour ça que je tenais à ce que pour la 20e, on reprojette ces films. On sait déjà que le public va les aimer car ils étaient déjà appréciés lors des éditions précédentes. Ce sera une occasion unique de les revoir sur grand écran.
Je sais bien qu'un parent n'a pas d'enfant préféré mais y a-t-il quand même des films présentés à cette 20e édition que vous avez envie de mettre en lumière ?
Je vais évoquer trois coups de coeur, trois films d'auteur dont les réalisateur et réalisatrices feront le déplacement à Paris. The Square, de KIM Bo-sol, est un des rares films d'animation coréens présentés dans la section Paysage. C'est un drame romantique - une histoire d'amour impossible entre un diplomate européen et une Nord-coréenne à Pyongyang - qui se transforme en thriller à suspense, avec une animation incroyable. Le film va à l'essentiel en 1h15 tout en prenant le temps de développer les personnages.
Premier long-métrage de Divine Sung, Summer's camera raconte l'éveil à l'amour d'une lycéenne qui a perdu son père il y a quelques mois. Il lui avait transmis sa passion pour la photo, qu'elle avait arrêtée à son décès. Elle décide de reprendre son appareil photo tout en se penchant sur le passé de son père à travers des vieux clichés. Là encore, en 1h20 à peine, la réalisatrice va à l'essentiel. C'est un film plein de poésie et de délicatesse qui nous fait ressentir la chaleur de l'été coréen et qui nous touche en plein coeur.
Dans la section Portrait, My Missing Aunt, de YANG Juyeon, qui sera aussi notre invitée, commence comme un journal intime filmé, comme c'est souvent le cas pour les documentaires coréens. Lors d'une conversation avec son père éméché, la réalisatrice apprend qu'elle avait une tante cachée. Elle va alors mener l'enquête pour brosser son portrait. C'est très fort et très étonnant dans la forme puisque YANG Juyeon utilise des images d'archives mais aussi l'animation pour évoquer la vie de sa tante.
Il y aura aussi pas mal de films fun, dont Hi-Five, de KANG Hyoung-chul, un des premiers films coréens de super-héros, et le très étonnant Pretty Crazy, de LEE Sang-geun. Ce sont deux réalisateurs connus du festival. Cela résume bien notre ambition : continuer à suivre la carrière de cinéastes confirmés et faire découvrir de nouveaux talents.
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Crédit photo : FFCP

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