Vingt ans, enfin vingt-et-un ans, que le film Les Choristes est sorti au cinéma. Rien ne prédestinait ce remake de La Cage aux rossignols (Jean Dréville, 1945) signé Christophe Barratier à devenir un des grands succès du cinéma français. Pour célébrer cet anniversaire, Pathé Films propose le film dans une édition vidéo incluant la version restaurée 4K et un nouveau bonus. En insérant la galette dans le lecteur, je me suis demandé si après toutes ces années, l'émotion serait encore au rendez-vous.
Retour en 1949, Clément Mathieu ouvre les grilles d'un pensionnat au nom lugubre, Fond de l'étang. Musicien contrarié, il vient officier comme surveillant dans l'établissement dirigé d'une main de fer par un directeur tyrannique. Le moindre écart d'un élève entraîne une punition. "Action, réaction !", aboie régulièrement le directeur Rachin. Mathieu préfère établir un dialogue certes difficile avec des garçons qui ne le sont pas moins. Il a même l'idée de monter une chorale. Il s'avère que l'un des jeunes rebelles, Pierre Morhange, est doté d'une voix exceptionnelle.
Et bien, je dois dire que dès les premières images, j'ai été à nouveau emporté par cette jolie fable. Le film démarre par une séquence qui rappelle l'introduction de Cinema Paradiso (Giuseppe Tornatore, 1988) : le célèbre chef d'orchestre Pierre Morhange, interprété par Jacques Perrin, apprend le décès de sa mère. Il se rend à ses funérailles où il revoit Pépinot, un ancien camarade du pensionnat. Formidable et regretté Jacques Perrin (également producteur du film et oncle du réalisateur) qui nous embarque dans cette histoire par l'émotion qu'il dégage. De sa belle voix, quand il se met à lire le journal intime de Clément Mathieu, nous sommes emportés.
Une chorale d'acteurs
La grande force du film, ce sont ses acteurs, tous excellents. Gérard Jugnot, d'abord. Il y en a peu des comédiens capables de nous faire exploser de rire dans des rôles de salopard (Papy fait de la résistance) ou d'égoïste (Les Bronzés, Le Père Noël est une ordure), et de nous toucher au coeur en interprétant des braves types malmenés qui se révèlent en héros discrets (Pinot simple flic, Une époque formidable, Tandem). Il fait ressortir la bonté de Mathieu, sans en faire une caricature de saint laïc. A l'inverse, Berléand est parfait en méchant (une composition dans laquelle il excelle) mais là encore, il arrive en un regard, une intonation à faire passer un éclat de détresse au sein de cette âme sombre. Kad Merad et Philippe du Janerand font évoluer leurs personnages dans un entre-deux tandis que Marie Bunel nimbe la mère de Morhange d'une belle aura et que Jean-Paul Bonnaire nous fait fondre dans le rôle d'un brave homme.
Et puis, il y a les enfants : Jean-Baptiste Maunier (Morhange jeune), dont la beauté du visage et de la voix n'éclipse pas une présence d'autant plus indispensable qu'il porte une partie du film sur ses jeunes épaules ; Maxence Perrin (le fils de Jacques, qui lui a donné le magnifique prénom de son personnage dans Les Demoiselles de Rochefort), dont la bouille craquante rappelle celle de Petit Gibus dans La Guerre des boutons ; Grégory Gatignol, aux faux airs de jeune Denis Lavant, impressionnant dans le rôle de Mondain, l'ado violent ; Thomas Blumenthal, que l'on retrouvera dans l'excellent La Crème de la crème ; Simon Fargeot et les autres.
Christophe tient la baraque
Pour son premier long-métrage, Christophe Barratier révèle tout son talent dans la direction d'acteurs. Et quoi que plus casse-gueule qu'un film avec une trentaine de gamins ! Son passé de musicien et chanteur l'aide à mettre en scène avec justesse ce film choral : il fait exister les personnages dans toute leur complexe humanité, met en valeur les interprétations - celles des comédiens professionnels et des enfants - qu'il accorde pour qu'elles s'associent harmonieusement. Il sait aussi intégrer les parties chantées sans qu'elles interrompent le déroulé du récit, bien au contraire.
Et il faut évidemment évoquer les sublimes compositions de Bruno Coulais qui, avec Barratier pour les paroles, ont contribué à déringardiser les chorales de gamins, y compris pour ceux de ma génération qui avaient l'habitude de regarder les Petits chanteurs à la croix de bois sur l'une des trois chaînes de télévision nationales. Je rappelle aux plus jeunes d'entre vous que Vois sur ton chemin a quand même été interprété par Beyoncé lors de la cérémonie des Oscars 2005.
La version 4K de cette édition met en valeur le beau travail des directeurs de la photographie, Jean-Jacques Bouhon et Carlo Varini. On retrouve les bonus de la précédente édition, dont un making-of qui relate le bel été du tournage vécu par des gamins touchants de sincérité, auxquels Pathé Films a adjoint un supplément qui donne la parole à Christophe Barratier, Jean-Baptiste Maunier et Maxence Perrin. Ils reviennent sur l'incroyable et inattendu succès du film, qui a même été adapté en comédie musicale. Le réalisateur rappelle d'ailleurs que le tournage n'a pas été aussi idyllique que les souvenirs qu'en ont eu les jeunes acteurs : Barratier a dû faire face à une canicule, une grève des intermittents, un remplacement d'un directeur photo et d'un second rôle. Il a même craint de se faire virer avant de trouver la voie (sur son chemin). On lui est reconnaissant d'avoir éviter le piège du drame larmoyant (ou du thriller inquiétant mais VinzA s'en est chargé) pour signer un joli conte a su traverser le temps.
Anderton

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