lundi 27 octobre 2025

Robert Evans : les mémoires cash du "Kid" d'Hollywood

Robert Evans Mémoires Hollywood CINEBLOGYWOOD

Gloire à Séguier qui continue d'éditer les mémoires des cadors d'Hollywood dans des éditions augmentées et embellies de couvertures classieuses. Cette fois-ci, "l'éditeur de curiosités" nous propose l'ouvrage culte d'un producteur américain génial et controversé, j'ai nommé Robert Evans. L'homme qui a sauvé Paramount en lançant ou accompagnant des longs-métrages devenus des classiques : Love Story, Chinatown, Le Parrain et bien d'autres. The Kid stays in the picture, c'est le titre de son livre en V.O., est sobrement intitulé Mémoires chez nous. Mais pas d'inquiétude, la traduction rend fidèlement compte d'un texte haletant, qui exsude la passion du cinéma, le sexe, la drogue et la violence.


Rien ne prédestinait ce petit juif new-yorkais à devenir l'un des moguls d'Hollywood. Robert Evans n'est pas issu d'une famille particulièrement aisée, ni doté d'une intelligence hors normes. Mais le gamin a une belle gueule, un sacré bagout et une grosse paire de cojones. Adolescent, c'est déjà un tombeur, pour ne pas dire un baiseur. D'ailleurs, Evans ne se prive pas de raconter ses histoires de cul - dans des termes aussi crus - qui lui ont permis de rencontrer des actrices d'abord dans la Grosse Pomme puis dans la Cité des Anges. Vendeur de fringues, modèle, le voici amené à enregistrer quelques émissions de radio puis à obtenir des petits rôles au cinéma. Bientôt, il donne la réplique à James Cagney puis se trouve propulsé sur le tournage du Soleil se lève aussi (1957) dans un rôle de matador. Le scénariste et les acteurs, au premier rang desquels, Ava Gardner, tentent de le faire virer mais le producteur Daryl F. Zanuck, qui lui a donné sa chance, tranche : "Le gamin reste dans le film". The Kid stays in the picture. La carrière d'Evans est sauvée et le voici affublé d'un surnom, "The Kid", qui ne le quittera plus. 

Reste que Bob est plus flambeur qu'acteur. Commence une carrière de producteur chez Paramount. Le studio est mal en point. Les actionnaires de la maison-mère, Gulf+Western, songent à liquider cette activité coûteuse et anecdotique. C'est compter sans Robert Evans, qui parvient à séduire le big boss, Charles Bluhdorn. Lequel lui file les pleins pouvoirs. Il n'en faut pas plus à Evans, grand joueur devant l'éternel, pour lâcher les chevaux. Son flair, son sens des affaires, sa détermination à toute épreuve mais aussi sa sensibilité artistique lui permettent de produire quelques films qui obtiennent de jolis succès, comme Rosemary's Baby (1968). Le carton planétaire intervient deux ans plus tard avec Love Story. Suivent Le Parrain, Serpico, Chinatown...

Up and down the hills 

Sauveur de la Paramount, nouvel homme fort d'Hollywood, Robert Evans est courtisé, jalousé. Il donne des fêtes somptueuses dans sa villa où il aménage une salle de projection dans laquelle se presse le gratin de la profession. Monstre de travail, il frôle plus d'une fois le burn-out et souffre d'un terrible mal de dos qui l'oblige à travailler couché. Son mariage avec Ali MacGraw en pâtit, les suivants aussi. Evans multiplie les projets, les conquêtes, les conneries. La drogue, évidemment. Il échappe de peu à la prison avant d'être plus tard accusé de meurtre. Le chouchou devient un proscrit. Ses mémoires, un grand succès de librairie, le font sortir de l'exil ; ils sont adaptés en film en 2002.

Quelle carrière, quelle vie ! Et quel livre ! Robert Evans se raconte sans fard, se la raconte aussi parfois mais ne se débine jamais lorsqu'il s'agit de pointer ses erreurs, ses errements. Il nous plonge au coeur des productions de films passés à la postérité, avec quelques tournages dantesques (Popeye, Cotton Club), et du système hollywoodien. Grandes gueules à gros cigares, divas impossibles, amis indéfectibles, relations douteuses. Francis Ford Coppola, Steve McQueen et Sharon Stone n'en sortent pas grandis ; Jack Nicholson, Roman Polanski et Alain Delon y apparaissent dans toute leur générosité. On croise également Robert Redford, Dustin Hoffman, les frères Kennedy, Henry Kissinger. Il y a également un formidable chapitre sur le rôle des producteurs et des talents de l'ombre, comme les monteurs du Parrain qui ont imaginé la séquence du baptême. Une des nombreuses occasions de faire exploser le mythe du cinéaste-auteur... et de balancer une saloperie sur Coppola qui lui a fait bien des misères.

Et tout ça est écrit avec style et le sens du spectacle. Evans commence souvent ses chapitres par une phrase choc ou une situation qui cueille le lecteur. Puis rembobine pour mieux dérouler le fil de l'histoire. Don't forget Robert. It's Hollywood.

Anderton


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