Dès la deuxième planche de L'Homme qui pouvait accomplir des miracles (Dargaud), vous voilà prévenu(e) : "Le lecteur ou la lectrice (...) a dû mourir de manière violente et inédite à la page 61 de ce récit". Faites fi du trépas et outrepassez cette inquiétante remarque, pour vous plonger dans l'adaptation réussie d'une nouvelle de H.G. Wells par l'artiste José-Luis Munuera.
Le récit en question débute dans un pub au coeur de l'Angleterre. De quoi douter de tout ce qui va arriver par la suite. Et c'est vrai que lorsque George McWhirter Fotheringay, un employé de bureau falot et réservé, prend l'assistance à témoin pour démontrer l'impossibilité des miracles, le lecteur qui a osé poursuivre la lecture de l'album qui lui promet pourtant un funeste sort, le lecteur donc se dit qu'il assiste à une discussion provoquée par une consommation abusive de bière. Fotheringay annonce qu'il va ordonner à une lampe à pétrole de se renverser. Et contre toute attente, la lampe se renverse, manquant de mettre le feu à l'établissement. Le clerc est mis à la porte pour cette imprudence. Surpris et rendu perplexe par ce qu'il vient de provoquer, voici qu'il s'essaie à nouveau à ordonner l'accomplissement de ses paroles. Et chacun de ses ordres devient réalité. Fotheringay réalise des miracles.
Avec un humour imprégné par l'absurde et la tendresse, le scénariste et dessinateur espagnol déroule l'histoire fantastique du célèbre auteur britannique de La Guerre des mondes en prenant à partie le lecteur, happé par ce conte invraisemblable. On s'attache (et s'identifie) au naïf protagoniste désormais pourvu d'un pouvoir sans limite, en se demandant jusqu'où va l'emmener son hubris. Et on n'est pas déçu ! Le récit réserve son lot de surprises et de rebondissements jusqu'à un surprenant final.
Le dessin, expressif et souple, de Munuera donne vie à toute une galerie de personnages hauts en couleurs, qui évoluent au coeur de décors somptueusement représentés, aux couleurs délicates, comme estompées. La lumière dorée du jour, les nuits voilées de brume donnent une ambiance féérique à cette histoire originale et poétique (découvrez les premières planches). Ah et le lecteur s'en sort vivant. Un petit miracle de bande dessinée.
Anderton

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