A lire : Patrick Brion, pour moi, c'est d'abord une voix au ton un chouia monocorde et au rythme si particulier. Celle qui introduit un classique, culte ou méconnu, toujours en VOST, au Cinéma de Minuit, programmé le dimanche tard, sur France 3. Qu'ai-je pu en découvrir des perles du 7e art, grâce à cette voix !
Mais Brion, c'est aussi une plume : fin connaisseur du cinéma américain (notamment), l'homme a signé quelques splendides livres consacrés à Tex Avery, John Ford, Clint Eastwood ou Billy Wilder. Il a également publié chez Vuibert un ouvrage passionnant intitulé Les Secrets d'Hollywood. Il y lève le voile sur des tournages épiques, dresse le portrait d'artistes et révèle le fonctionnement des studios de la grande époque. Un livre indispensable pour ne pas bronzer idiot !
Cineblogywood n'a pas manqué l'occasion d'interviewer (par téléphone) ce grand historien du cinéma. L'entretien fut riche. Tellement riche que nous vous le proposons en trois parties. Enjoy !
Selon vous, quel est le secret du succès d’Hollywood, l’usine à rêves ?
Cette espèce d’alchimie très curieuse qui a permis aux producteurs américains de faire des films qui touchaient le monde entier, alors que les producteurs français ne faisaient des films que pour le public français. Et cela s’explique par le fait que ces producteurs américains venant de partout – ils étaient d’origine russe, allemande, polonaise, belge, française… - pouvaient parler à tout le monde. Ils étaient issus de milieux pauvres, étaient peu cultivés – ce n’est pas un reproche -, et étaient arrivés aux Etats-Unis pour échapper aux pogroms tsaristes puis nazis. A New York, ils ne se sont pas intéressés au monde du théâtre, sur lequel les Anglo-saxons avaient la main, mais se sont jetés sur le cinéma qui commençait tout juste. Ils ont eu l’aisance de coller à un marché qui n’existait pas avant.
Dans votre ouvrage, vous tordez le cou à certaines idées reçues tenaces sur Hollywood. La première concerne justement les producteurs. Nous avons en tête l’image de vieux messieurs à gros cigares qui ne comprennent rien à l’art et ne sont intéressés que par le profit et les petites starlettes…
Qu’ils avaient envie de gagner de l’argent, c’est normal sinon leurs sociétés auraient fait faillite. Mais alors qu’ils auraient pu viser les plus bas instincts du public, ils étaient animés par une ambition culturelle. Est-ce parce qu’eux-mêmes n’ont pas eu la chance d’avoir reçu une éducation culturelle ? Toujours est-il qu’ils ont donné aux autres ce qu’ils n’ont pas reçu. Ils ont eu le souci de faire les choses du mieux possible, n’hésitant pas à faire appel à des grands auteurs comme Hemingway ou Faulkner, avec des résultats inégaux d’ailleurs. Alors qu’en France, grand pays de littérature, les auteurs ont peu été mis à contribution dans le cinéma.
Deuxième idée reçue : la censure aurait été imposée à Hollywood. Or, vous expliquez qu’elle a été voulue par les studios eux-mêmes…
Quand vous pensez aux actrices les plus belles, les plus excitantes, les trois-quarts sont américaines. Cela prouve bien que la censure n’a pas joué un grand rôle ! Ce qu’ont fait les studios était très malin. En 1930, ils ont confié à Will H. Hays, un homme au-dessus de tout soupçon, le soin de délivrer l’autorisation de distribuer les films en salles. Cela a coupé l’herbe sous les pieds de certains groupes de pression, notamment religieux, et des autorités qui voulaient légiférer après quelques scandales retentissants à Hollywood. Le Code Hays a ainsi régi la production des films, en listant un certain nombre d’interdits : sexe, crimes, obscénités…
Les grands cinéastes ne s’en sont jamais plaint. Billy Wilder invitait les membres de la commission de censure à déjeuner, il les baratinait et son scénario passait ! Beaucoup de réalisateurs et de producteurs intégraient des scènes abjectes dans les scénarios pour qu’elles attirent l’attention de la commission et que les scènes auxquelles ils tenaient ne soient pas menacées.
Et puis, dans cette commission, il y avait des gens frustrés, des gens qui s’en foutaient et des intellectuels que cela faisait marrer. Elle n’a pas empêché la réalisation de certaines œuvres audacieuses, abordant l’homosexualité, comme Eve de Joseph L. Manckiewicz ou La Corde d’Alfred Hitchcock, ou révélant les atouts de certaines actrices. Ah, les cuisses de Lana Turner dans Le Facteur sonne toujours deux fois ! Sans ce poids de la censure, qui a obligé les cinéastes à suggérer ou à contourner, on se serait bien emmerdé !
Et puis, dans cette commission, il y avait des gens frustrés, des gens qui s’en foutaient et des intellectuels que cela faisait marrer. Elle n’a pas empêché la réalisation de certaines œuvres audacieuses, abordant l’homosexualité, comme Eve de Joseph L. Manckiewicz ou La Corde d’Alfred Hitchcock, ou révélant les atouts de certaines actrices. Ah, les cuisses de Lana Turner dans Le Facteur sonne toujours deux fois ! Sans ce poids de la censure, qui a obligé les cinéastes à suggérer ou à contourner, on se serait bien emmerdé !
Troisième contre-vérité : Charlton Heston ne se résume pas à un vieux facho amateur de fusil…
Je ne suis pas là pour défendre les armes à feu. D’ailleurs, je n’aime pas les armes à feu. Mais la manière dont il est montré dans le film de Michael Moore [Bowling For Columbine, découvrez l’extrait ci-dessous, NDLR] est inadmissible. Moore est un faux-cul, à l’image de son cinéma. Ses films sont très mauvais. Je n’ai pas oublié que lors des premières manifestations contre la ségrégation aux Etats-Unis, il n’y avait que trois acteurs présents : Paul Newman, Marlon Brando et Charlton Heston. A l’époque, les réactionnaires lui en ont beaucoup voulu. Alors ce qu’a fait Moore, c’est vraiment dégueulasse.
Lisez la deuxième partie et la troisième partie de l'entretien de Patrick Brion.
Anderton
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