En DVD et Blu-ray : Un bon polar nous raconte un affrontement entre flics et malfrats autant qu'il nous brosse un tableau sans concession de la société dans lequel il se déroule. C'est le cas avec La Loi de Téhéran, de Saeed Roustaee, qui sort en vidéo chez Wild Side. Récompensé par le Grand prix et le Prix de la critique à Reims Polar, ce film fait l'effet d'un uppercut.
Un fléau s'est abattu sur Téhéran. La drogue, notamment le crack, semble être devenue un produit de consommation courante parmi les populations les plus démunies de la capitale iranienne. A la brigade des stupéfiants, Samad (Payman Maadi) est lancé à la recherche d'un dealer aussi mythique qu'introuvable : Naser Khakzad (Navid Mohammadzadeh). Pour ce flic teigneux, tous les moyens sont bons pour arrêter le caïd.
Pas d'échanges de coups de feu, ni de courses-poursuites avec des crissements de pneu et des tonneaux filmés au ralenti. Et pourtant, avec La Loi de Téhéran, Saeed Roustaee nous saisit à la gorge dès les premières images pour ne plus lâcher pendant plus de deux heures. Le film est construit en deux mouvements : dans la première partie, nous suivons l'enquête de Samad et de son équipe pour remonter la filière de la drogue et mettre le grapin sur ce Naser Khakzad, dont le nom effraie jusqu'aux "mules" qui écoulent sa came ; puis, lorsque le dealer est arrêté, nous restons à ses côtés, dans des geôles surpeuplées, à nous demander si son argent et son pouvoir parviendront à le tirer d'affaire. Car c'est la pendaison qui l'attend.
Une cité de zombies et d'enragés
Le cinéaste nous révèle un Téhéran inattendu pour nous, Occidentaux, habitués aux reportages mettant en avant l'emprise du régime islamique sur la population. Ici, aucune affiche monumentale de mollah dominant la ville, pas l'ombre d'un Gardien de la révolution arpentant les rues. Les immeubles chics se dressent face à des quartiers défavorisés tandis que la cité est balafrée d'immenses boulevards congestionnés par les bouchons. Une métropole comme les autres, avec des flics comme les autres. Ou presque. Dans le commissariat, les femmes, toutes voilées de noir, accompagnent leurs homologues masculins pour prendre en charge les suspectes. Mais Samad n'hésitera pas à faire sortir toute son équipe du bureau pour interroger une femme.
Même détermination lors d'un rafle dans un ghetto rongé par le crack, où il fera embarquer tous les habitants, hommes comme femmes. Des familles de shootés vivent dans des pipelines en béton. Roustaee s'attache à montrer les ravages de la drogue. Parents irresponsables, enfants victimes, familles détruites. Les crackheads sont des zombies dont la multitude nous sautent aux yeux lors de séquences saisissantes. Le cinéaste dévoile aussi comment les passeurs s'y prennent pour transporter la came, et la cacher. Finalement, la famille qui semble la plus normale, la plus unie, c'est celle du dealer. Sans qu'aucun de ses actes ne soit jamais excusé, il apparaît comme une victime de plus qui s'est sacrifiée pour les siens afin de les faire sortir de la pauvreté.
Au pays de Mani, Roustaee se refuse à tout manichéisme. Samad comme Naser n'ont jamais reculé pour aboutir à leurs fins. Une rage les anime. D'ailleurs, l'un comme l'autre crie plus qu'il ne parle, avec un débit de kalachnikov. Leur affrontement, d'abord à distance puis en face-à-face, tient toutes ses promesses. Formidables comédiens que Payman Maadi et Navid Mohammadzadeh ! Roustaee nous réserve un final glaçant qui n'est pas sans rappeler celui de l'implacable oeuvre de Richard Brooks, d'après le livre de Truman Capote : De sang-froid.
Wild Side accompagne La Loi de Téhéran d'un making of qui révèle comment ont été tournées certaines séquences dingues. Avec une masse de figurants regroupés, confinés, et souvent énervés. Stupéfiant.
Anderton
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