En Blu-ray et DVD : Faites l'expérience. Demandez autour de vous de citer des films qui ont pour cadre la guerre du Vietnam, Outrages (1989) sera rarement évoqué. L'oubli injustice dont fait l'objet le Casualties of war (son titre en V.O.) de Brian De Palma tient certainement à son sujet glaçant et à la manière frontale dont le cinéaste l'a abordé. Le magnifique coffret vidéo édité par Wild Side tient lieu de réhabilitation.
Outrages est tiré d'une histoire vraie, publiée dans The New Yorker en 1969 : trois ans plus tôt, en pleine guerre du Vietnam, une escouade de G.I.'s a kidnappé une jeune femme, l'a violée puis l'a assassinée. Dans le film, le soldat Max Eriksson (Michael J. Fox) s'oppose au sergent Tony (Sean Penn), qui planifie le rapt, avec l'assentiment du reste de sa troupe, Thomas E. Clark (Don Patrick Harvey), Herbert Hatcher (John C. Reilly) et, malgré une réticence initiale, Antonio Dìaz (John Leguizamo).
Brian De Palma ne détourne pas sa caméra des tortures que font subir les soldats américains à la jeune Vietnamienne. La scène du kidnapping est poignante, celle du viol provoque un haut le coeur et celle de l'assassinat finit par nous glacer le sang. La caméra adopte le regard du Private Eriksson et le spectateur se trouve ainsi plongé au coeur de l'horreur. Comme Eriksson, on refuse de croire à l'inéluctable, on espère que le sergent va retrouver la raison, que ses hommes vont se retourner contre leur chef et puis, on partage le dégoût d'Eriksson, horrifié par ce qui nous est donné à voir.
A plus de trente ans d'écart, la vision de ces séquences demeure éprouvante. L'actrice Thuy Thu Le, que le cinéaste a découverte au sein de la communauté vietnamienne de Paris, livre une interprétation bouleversante. La terreur et la souffrance qui se lisent sur son visage tuméfié, après son calvaire, nous laissent sans voix. Tous les acteurs sont justes. Sean Penn incarne un militaire qui a perdu ses repères et son humanité à force de tuer et d'échapper à la mort. Face à lui, Michael J. Fox apporte l'innocence de son visage juvénile et fait passer toutes les émotions contradictoires que vit son personnage, tiraillé entre son sens moral et son obéissance aux ordres. La perversité, c'est Don Patrick Harvey qui l'incarne ; pour John C. Reilly, c'est la bêtise ; pour John Leguizamo, la lâcheté. Egalement au générique, Ving Rhames dans le rôle d'un lieutenant qui détourne le regard, et Dale Dye, un vétéran souvent appelé à superviser des films de guerre, dans celui d'un capitaine qui tente d'étouffer l'affaire.
L'approche sans concession de Brian De Palma ne l'empêche pas d'établir son cinéma. Mise en scène fluide et "lisible", plans désaxés pour évoquer l'impuissance des protagonistes. Pour autant, pas d'effets gratuits, ni de regard complaisant. Le cinéaste trouve le ton juste pour nous associer au traumatisme vécu à l'écran. Belle photo de Stephen H. Burum (déjà à l'oeuvre sur Les Incorruptibles) et somptueuse musique d'Ennio Morricone, qui refuse la facilité d'associer tambour et clairon, pour nous émouvoir avec le poignant lamento de ses violons.
Wild Side n'a pas lésiné pour nous offrir un combo Blu-ray-DVD accompagné d'un livre inédit (Une obsession vietnamienne de Nathan Réra). De nombreux bonus nous permettent également d'en savoir plus sur le tournage en Thaïlande ou les rapports tendus entre Penn et Fox : un making-of, des entretiens avec Michael J. Fox et Eric Schwab, le réalisateur de la deuxième équipe, ainsi que des images inédites du tournage. Une grande édition pour un grand film.
Anderton
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire