En salles : Encore sur les écrans, trois documentaires français apportent, chacun à leur manière, leur pierre à l’édifice d’un certain cinéma français : le documentaire social.
A ciel ouvert de Mariana Otero, La Cour de Babel de Julie Bertuccelli et Se battre de Jean-Pierre Duret et Andrea Santana : ces trois documentaires, traitant chacun de sujets différents, ont pourtant des points communs : une certaine tonalité sociale, déjà, qui ancre bien ces films dans leur époque, celle d’une société en crise. D’un monde en crise, même. Mais aussi l’évocation, en filigrane, du travail de personnes ordinaires qui font des choses extraordinaires : éducateurs spécialisés, enseignants, travailleurs sociaux : sans être au cœur de ces trois films, leur présence discrète nous rappelle que certains métiers ont vraiment du sens. Et forcent le respect.
A ciel ouvert : admirables encadrants
Le centre du Courtil, en Belgique, est un endroit unique : on y prend en charge des enfants ayant des troubles psychiques importants. Les éducateurs spécialisés du Courtil essaient de comprendre les singularités des univers dans lesquels vivent ces enfants – un monde auquel ils n’ont pas accès, qui semble quelquefois amusant, mais parfois terrifiant - et d’adapter la vie du centre à ces singularités.
Ce qui m’a vraiment intéressé dans ce film – plein d’humanité, et souvent bouleversant, notamment en ce qu’il montre de la souffrance des enfants – c’est le travail de l’équipe d’encadrants. Parfois très jeunes, ils n’ont pas de certitudes : ils tâtonnent, essaient, écoutent, échangent, interrogent, s’interrogent et se remettent en cause sans cesse : que dire, que faire, comment réagir, dans telle ou telle situation ? Dans leurs doutes, leurs questionnements, c’est toute leur humanité, leur empathie, mais en même temps, leur immense professionnalisme qui m’a frappé. En un mot : admirables.
La Cour de Babel : formidable enseignante
La Cour de Babel nous fait suivre pendant un an, le quotidien d’une classe d’accueil dans un collège parisien, rue de la Grange-aux-Belles, dans le 10ème arrondissement. Ces enfants, pré-ados, viennent souvent d’arriver en France, et ils parlent bien le français. Dans cette classe d’accueil, ils vont nous faire part de leurs histoires, souvent compliquées. Entre tristesse et espérance, entre souvenirs tendres et douloureux, ils nous racontent toute la difficulté de l’émigration, et de l’intégration dans un nouveau pays dont ils ne maîtrisent ni le langage, ni les codes.
Brigitte Cervoni, leur enseignante, est dans sa dernière année avant la retraite : on est tout de suite séduit et impressionné par la manière dont elle fait la classe. Elle veille à donner sa juste place à chacun des élèves, et notamment les plus timides, ceux qui sont le moins à l’aise, ou qui maîtrisent le moins bien le français. Elle donne des libertés tout en imposant le respect de certaines règles. Surtout, elle valorise les différences et les particularités de chacun de ces enfants. Sans être un personnage central du film (le sujet du film, ce sont les enfants), elle est pourtant incontournable. Comme le dit justement le dossier de presse : "Elle n’en est pas le centre, mais l’armature. Elle devient un personnage parce que c’est elle qui fait vivre ensemble tout ce petit monde". En un mot : formidable.
Se battre : bénévoles essentiels
Dans Se battre, on suit, pendant plusieurs mois, le quotidien de plusieurs personnes, travailleurs pauvres, chômeurs longues durées, immigrés sans papiers, à Givors, une petite ville de province dans le Rhône. Pour eux, la vie est un combat. Combat pour se loger, pour être propre, et parfois, pour manger. Tout en tentant de rester digne.
Au fil de nos rencontres avec les personnages, on voit souvent œuvrer les travailleurs sociaux. Ils ne sont pas, eux non plus, les sujets principaux du film, mais on les croise régulièrement : travailleurs du secours populaire, assistants sociaux, responsables de centres spécialisés dans la « remise en selle » des exclus, bénévoles associatifs… Ils se démènent, avec leurs petits moyens, pour rendre le quotidien des plus démunis moins insupportable. Simplement, parfois, en consacrant du temps et de l’attention à ces gens que plus personne n’écoute, que plus personne ne voit. Ils font avec les moyens du bord, de la débrouille, et pas mal de solidarité, celle des petites gens, comme lorsque l’un de ces bénévoles appelle un copain électricien pour rétablir l’électricité à une famille à qui on l’a coupé. En un mot : essentiels.
Oubliez Captain America ! Les vrais supers héros d’aujourd’hui, ils sont là. Merci à eux de nous rappeler qu’on peut, chacun à notre échelle, rendre le monde un peu moins insupportable.
Fred Fenster
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