samedi 30 avril 2011

Je veux seulement que vous m’aimiez : eh bien, c’est fait, Rainer !


En salles : A Cineblogywood, on a rarement – jamais ? – évoqué Rainer Werner Fassbinder. Pourquoi ? Warum ? Il voulait seulement qu’on l’aime, et c’est désormais chose faite avec cet inédit, Je veux seulement que vous m’aimiez, qui date de 1976, et qui sort enfin chez nous. Au passage, merci Carlotta, encore une fois, qui après la trilogie allemande (Maria Braun, Lola, Veronika Voss) et Le Monde sur le fil prolonge son travail de défrichage !
D’une glaçante et troublante actualité

Fassbinder, pour la plupart d’entre nous, c’est de l’histoire ancienne : décédé en 1982 à 37 ans, réalisateur de près de 50 films ( !!!), auteur d’une vingtaine de pièces de théâtre, c’est un ogre prématurément disparu, infatigable contempteur de l’Allemagne de l’après-guerre, des zones d’ombre du miracle économique. Si son œuvre est liée à son époque, elle reste d’une glaçante actualité. La preuve, avec ce film dont le titre évoque plus un téléfilm français guimauve qu’une fable désespérante contemporaine.

A l’inverse de Querelle ou du Mariage de Maria Braun – ses films les plus célèbres – ce film initialement tourné pour la TV allemande appartient à la série de films où le cinéaste dépeint la
société d’outre-Rhin du miracle économique. Plutôt que se focaliser sur les réussites, Fassbinder en dénonce la misère – économique, affective – et l’absurdité. Et convoque Freud et Marx dans un récit implacable, qui évoque parfois la glaçante vision d’un Haneke.

Mélo bouleversant

OK, ce n’est pas léger, léger. Ca reste une des œuvres les plus accessibles du cinéaste, étrangement demeurée inédite en France jusque là. Et tant mieux ! Car elle résonne d’une troublante actualité : le déclassement social, la fuite dans la surconsommation, les conflits de génération, le film semble parler d’aujourd’hui, de la crise, de ses effets au quotidien, et de ses ravages affectifs.

Le tout dans une esthétique épurée et minimaliste, théâtralisée et spatialisée avec maestria, à l’image des films d’Aki Kaurimaski, l’humour en moins. Car ce qui sourd de ce film, c’est un cri primal et tripal : haine des parents profiteurs et jouisseurs ; haine des patrons paternalistes et exploiteurs ; haine d’une société tournée exclusivement vers la propriété immobilière, l’appât du gain et la consommation.

Entre Cronenberg, Kaurimaski et Sirk

A la fois auscultation d’un cas pathologique et névrotique – qui rappelle souvent Spider, le film matriciel de Cronenberg avec Ralph Fiennes - , récit d’une ascension sociale, de ses mirages et de ses impasses, portait d’un homme en manque et en demande constante d’amour – combien de bouquets porte-t-il aux femmes dont il veut se faire aimer ! – Je veux seulement que vous m’aimiez est l’une des œuvres les plus bouleversantes et mélodramatiques de Fassbinder, qui, rappelons-le, vouait un culte à Douglas Sirk, autre germanophone, roi du mélodrame hollywoodien des 50’s.

Travis Bickle














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