En salles : Je ne tuerai pas le suspense en douceur. Cogan est l'un des tout meilleurs films venus des Etats-Unis vus cette année – voire de la décennie. Alors, pourquoi faut-il voir Cogan ?
Post-polar sous influence Coen
Pour Andrew Dominik. 7 ans après son élégiaque et splendide post-western Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, il confirme. Avec ce post-polar d'apparence tarantinienne – scénario qui multiplie les bifurcations, focus sur des petits malfrats, dialogues aux petits oignons, casting classe et léché – le cinéaste australien triture sa matière pour livrer un solide polar, qui flirte plus d'une fois avec le sens de l'absurde, la mélancolie et le goût du désastre propre aux frères Coen. A partir d'un genre ultra-codifié, il parvient à déployer toute la richesse de sa grammaire cinématographique : du trip à l'héroïne à l'”accident” de Ray Liottta en passant par le face à face Brad Pitt-James Gandolfini, le film regorge de scènes cultes qui mises bout à bout en font un film XXXL !!
Pour son sens des décors : jamais l'Amérique contemporaine en déshérence n'avait été aussi bien filmée. Tourné à La Nouvelle Orléans, le film rend compte visuellement de la décadence du pays : usines abandonnées et fantomatiques, maisons laissées à elles-mêmes, amas de détritus, désertification des lieux de sociabilité, Michael Moore n'a jamais fait aussi percutant
Arrière-plan politique et social
Pour son arrière plan politique et social : car la grande force du film tient à son arrière-plan constitué de discours politiques américains. En situant son action en pleine campagne présidentielle de 2008, Andrew Dominik parsème les différentes intrigues de discours de Barack Obama, George W. Bush et John McCain. Le But ? Illustrer ou donner un contre-point à ce qui se passe sur l'écran. Car finalement, malfrats et politiques ont beaucoup à partager : argent, valeurs, et clans. Une manière de reloader la composante politique qui s'invitait déjà en filigrane au début des seventies dans la trilogie du Parrain.
Pour son ouverture : lent traveling avant, caméra à l'épaule, qui sort de la pénombre d'un hangar industriel pour s'achever dans un paysage de désolation surexposé, le tout sur fond de discours de campagne d'Obama.... En reprenant là où s'achevait Sur les quais, Cogan signe cinématographiquement la mort de l'Amérique ouvrière et industrielle louée il y a plus de 50 ans par Elia Kazan. Magistral.
S'inscrire dans la mythologie de l'Amérique
Pour sa BO : de Johnny Cash à Nico, en passant par The Velvet Underground ou... Petula Clark, elle contient des morceaux qui viennent souligner la caractère dérisoire de la bataille que se livrent ces tout petits bad guys. Certes parfois illustrative, elle vient inscrire le film dans la mythologie américaine. A l'instar de ces Love Letters, déjà utilisé par David Lynch dans Blue Velvet.
Pour son travail sur le son : Lynch, justement... Depuis Mulholland Drive, jamais l'environnement sonore d'un film américain n'avait été travaillé avec autant de précision et d'inventivité. Andrew Dominik crée ainsi une véritable identité sonore à la déshérence du capitalisme – faite d'un maelström de bruits de ferraille, de circulation automobile et de bourrasques intempestives. Du grand art !
L'Amérique n'est pas un pays, c'est un business
Pour ses dialogues : là où les joutes verbales de Tarantino tournant à vide, celles de Cogan donnent une épaisseur à chacun de ses personnages. Alors que ceux-ci auraient pu tomber dans la caricature, les dialogues leur confèrent soit une humanité et une authenticité bouleversantes, empreints d'un peu de métaphysique - "La vie, ça craint. On est seuls" - soit une lucidité un poil misanthrope face à la violence du capitalisme - "L'Amérique n'est pas un pays, c'est un business". Des joutes verbales jouissives, car directement tirées de l'expérience de l'auteur du livre à l'origine de Cogan, George Higgins, ancien procureur à New-York pendant 20 ans, et auteur d'un livre à la source d'un petit polar culte des années 70, Les amis d'Eddie Coyle, de Peter Yates, avec Robert Mitchum, malheureusement devenu quasiment invisible.
Casting king size
Pour Andrew Dominik. 7 ans après son élégiaque et splendide post-western Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, il confirme. Avec ce post-polar d'apparence tarantinienne – scénario qui multiplie les bifurcations, focus sur des petits malfrats, dialogues aux petits oignons, casting classe et léché – le cinéaste australien triture sa matière pour livrer un solide polar, qui flirte plus d'une fois avec le sens de l'absurde, la mélancolie et le goût du désastre propre aux frères Coen. A partir d'un genre ultra-codifié, il parvient à déployer toute la richesse de sa grammaire cinématographique : du trip à l'héroïne à l'”accident” de Ray Liottta en passant par le face à face Brad Pitt-James Gandolfini, le film regorge de scènes cultes qui mises bout à bout en font un film XXXL !!
Pour son sens des décors : jamais l'Amérique contemporaine en déshérence n'avait été aussi bien filmée. Tourné à La Nouvelle Orléans, le film rend compte visuellement de la décadence du pays : usines abandonnées et fantomatiques, maisons laissées à elles-mêmes, amas de détritus, désertification des lieux de sociabilité, Michael Moore n'a jamais fait aussi percutant
Arrière-plan politique et social
Pour son arrière plan politique et social : car la grande force du film tient à son arrière-plan constitué de discours politiques américains. En situant son action en pleine campagne présidentielle de 2008, Andrew Dominik parsème les différentes intrigues de discours de Barack Obama, George W. Bush et John McCain. Le But ? Illustrer ou donner un contre-point à ce qui se passe sur l'écran. Car finalement, malfrats et politiques ont beaucoup à partager : argent, valeurs, et clans. Une manière de reloader la composante politique qui s'invitait déjà en filigrane au début des seventies dans la trilogie du Parrain.
Pour son ouverture : lent traveling avant, caméra à l'épaule, qui sort de la pénombre d'un hangar industriel pour s'achever dans un paysage de désolation surexposé, le tout sur fond de discours de campagne d'Obama.... En reprenant là où s'achevait Sur les quais, Cogan signe cinématographiquement la mort de l'Amérique ouvrière et industrielle louée il y a plus de 50 ans par Elia Kazan. Magistral.
S'inscrire dans la mythologie de l'Amérique
Pour sa BO : de Johnny Cash à Nico, en passant par The Velvet Underground ou... Petula Clark, elle contient des morceaux qui viennent souligner la caractère dérisoire de la bataille que se livrent ces tout petits bad guys. Certes parfois illustrative, elle vient inscrire le film dans la mythologie américaine. A l'instar de ces Love Letters, déjà utilisé par David Lynch dans Blue Velvet.
Pour son travail sur le son : Lynch, justement... Depuis Mulholland Drive, jamais l'environnement sonore d'un film américain n'avait été travaillé avec autant de précision et d'inventivité. Andrew Dominik crée ainsi une véritable identité sonore à la déshérence du capitalisme – faite d'un maelström de bruits de ferraille, de circulation automobile et de bourrasques intempestives. Du grand art !
L'Amérique n'est pas un pays, c'est un business
Pour ses dialogues : là où les joutes verbales de Tarantino tournant à vide, celles de Cogan donnent une épaisseur à chacun de ses personnages. Alors que ceux-ci auraient pu tomber dans la caricature, les dialogues leur confèrent soit une humanité et une authenticité bouleversantes, empreints d'un peu de métaphysique - "La vie, ça craint. On est seuls" - soit une lucidité un poil misanthrope face à la violence du capitalisme - "L'Amérique n'est pas un pays, c'est un business". Des joutes verbales jouissives, car directement tirées de l'expérience de l'auteur du livre à l'origine de Cogan, George Higgins, ancien procureur à New-York pendant 20 ans, et auteur d'un livre à la source d'un petit polar culte des années 70, Les amis d'Eddie Coyle, de Peter Yates, avec Robert Mitchum, malheureusement devenu quasiment invisible.
Casting king size
Pour son casting, enfin Des acteurs, entre dépression, cynisme et colère muette : James Gandolfini, d'abord, en superstar des opérations de nettoyage, boursouflé, obsédé sexuel, au bout du rouleau – un rôle à Orson Welles ; Richard Jenkins, (le père dans Six Feet Under) en col blanc des opérations secrètes, verbeux, opaque, et indispensable go-between entre un centre de décision invisible et aux directives absurdes et les opérationnels. Brad Pitt en incarnation stylée de l'Ange de la Mort, dont l'entrée sur A man comes around de Johnny Cash est appelée à entrer dans les annales du cinéma, au même titre cette année que celle de Matthew Mc Conaughey dans Killer Joe. Il faudrait également citer au sein de ce casting quasiment sans femmes Ray Liotta, impressionnant en arroseur arrosé, mafieux victime malgré lui d'un système qui le dépasse. Sans oublier l'impayable duo Ben Mendelssohn (Animal Kingdom) Scoot McNairy, Rosencrantz et Guilderstern d'un capitalisme en pleine décomposition....
Bref, faux polar, néo-polar, post polar, dénonciation d'un capitalisme aveugle et absurde, aux confins de la fable et de l'étude anthropologique, Cogan s'impose d'ores et déjà comme une pierre indispensable à la mythologie du cinéma américain. On parie ? Reparlons-en dans 10 ans !
Travis Bickle
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