A lire : Une renaissance américaine, c'est une somme. Un must read. Une bible. 40 ans de cinéma américain, une trentaine d'entretiens, par l'un de ses plus grands connaisseurs, rien de tel pour se remettre d'équerre avec l'une des cinématographies les plus riches et les plus passionnantes du moment. Et pour refuser les clichés sur le cinéma américain, à l'heure où les blockbusters, les bons et les mauvais, sont projetés en salles, comme chaque année. Et qui permettent de mesurer son état artistique et économique.
Odyssée sur 40 ans
Pour nous guider au travers de cette odyssée, il n'y avait pas meilleur guide que Michel Ciment. Outre ses ouvrages de référence sur Stanley Kubrick, Elia Kazan, Joseph Losey et John Boorman, on le retrouve mensuellement dans la revue Positif , hebdomadairement sur France Inter et France Culture. Sans compter ses multiples contributions universitaires et éditoriales. Là, il porte un regard rétrospectif sur le cinéma américain, en publiant une trentaine d'entretiens avec les plus grands réalisateurs américains des 40 dernières années réalisés et publiés dans Positif.
Scorsese, Eastwood, Coppola, Cimino, Gray, Tarantino, les frères Coen, Soderbergh, tous y figurent. Du bonheur, même si rien de neuf, sous le soleil, me direz-vous. Surtout à côté du colossal travail d'un Michael Henry Wilson – A la porte du paradis, dont nous reparlerons très vite – ou d'un Bertrand Tavernier – Nos amis américains, ou bien 50 ans de cinéma américain, co-écrit avec Jean-Pierre Coursodon. Pas faux, à deux remarques près, capitales.
Si Michel Ciment a effectivement exhumé des interviews de cinéastes désormais reconnus, il les a choisies en fonction d'un moment déterminant, où leur carrière ni leur sort n'étaient encore joués. Celle de Martin Scorsese, par exemple, date de 1978, au moment où celui-ci sortait du gigantesque projet de New York New York et de The Last Waltz ; celle de Francis Ford Coppola, de 1982, au moment où ses projets industriels et visionnaires venaient de s'effondrer face à l'échec commercial de Coup de cœur. Ou enfin celle de Paul Schrader (1978), alors illustre inconnu en France, mais célèbre critique et scénariste aux Etats-Unis, interviewé à l'occasion de son premier film d'inspiration sociale, Blue Collar, et qu'on aimerait bien revoir un jour.
Redécouvertes
Fructueux partis pris de flash back
Grâce à ce parti pris de flash-back, on redécouvre avec stupeur les propos passionnants d'un George Lucas, tout juste au sortir du premier épisode de sa saga Star Wars. Interview qui permet de revenir aux sources de la trilogie, sur ses courts métrages expérimentaux, sa formation d'anthropologue, son peu de goût pour la réalisation, son inclination pour la production, ses relations avec Coppola, Spielberg et De Palma. Et d'où il ressort que ce premier épisode n'avait coûté que... 8,5 millions de dollars ! Autres scoops rétrospectifs égrenés au fil de la lecture : on y apprend que Samuel Fuller avait proposé à Martin Scorsese de jouer dans The Big red One ; ou bien qu'à l'origine, Hardcore, le deuxième film de Paul Schrader, devait être joué et produit par Warren Beatty !
Spielberg, le centre gravitationnel
Certes, on pourra, comme dans tout exercice de ce style, regretter l'absence de certains cinéastes – Brian De Palma, Sidney Lumet, David Fincher ou Terence Malick. Reste néanmoins un grand absent : Steven Spielberg, pourtant souvent cité, et qui apparaît en creux comme une sorte de parrain générationnel entre les anciens et les modernes, la planète centrale, esthétique et commerciale, autour de laquelle s'est construite l'industrie cinématographique américaine de ces 30 dernières années.
Enfin, dernier petit paradoxe pour cet ouvrage qui se veut le témoin d'une renaissance esthétique : sa trop faible iconographie... Détail somme toute mineur, pour un ouvrage majeur, qui met en perspective l'immense travail d'une revue comme Positif, d'un journaliste et spécialiste comme Michel Ciment, pour donner sens à un cinéma trop facilement réduit à sa dimension business et mercantile.
Michel Ciment, Une renaissance américaine, entretiens avec 30 cinéastes, Nouveau Monde Editions
Travis Bickle
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