En salles : Imaginez un instant... un couple de Suédois et ses deux enfants, en vacances au ski, aux Arcs dans les Alpes. Tout ronronne un peu trop bien, jusqu'au jour où un déclenchement d'avalanche mal maîtrisé vient perturber ce trop bel ordonnancement. Pitch passionnant d'un film inattendu, Snow Therapy, comme si le Michael Haneke du 7e Continent avait pris pour sujet un film catastrophe, tel The Impossible.
Les femmes et les enfants d'abord ? Euh...
Ici, c'est le Suédois Ruben Östlund qui tient la caméra. Véritable prodige du cinéma âgé de 41 ans, qui avait réalisé en 2011 le secouant Play, il signe avec Snow Therapy, son 4e film, une œuvre forte, grinçante, dérangeante, passionnante, et dans laquelle on peut tous se reconnaître à travers les questions qu'il pose sur les rapports hommes-femmes, sur notre capacité à affronter les dangers, sur la résilience que cela suppose, sur les remises en question fondamentales qu'une réaction anodine peut provoquer sur un bel ordre établi. Et surtout, qui vient donner un violent coup de pied à l'adage "Les femmes et les enfants d'abord". Statistiques à l'appui, il vient souligner le triste constat selon lequel lors d'une catastrophe, les femmes ont moins de chances de s'en sortir que les hommes...
Portrait de famille au bord du gouffre
Alors, brûlot féministe aux ramifications sociologiques ? Ce serait réducteur de le confiner à l'image d'un cinéaste à thème. D'autant qu'une grande part de l'intrigue tient au non-vu, au non-perçu de la réaction paternelle. Car le point fort de cette thérapie, c'est sa réalisation. En alternant plans-séquences et gros plan, Ruben Östlund impose une grammaire qui a pour but d'enfermer ses personnages dans leurs contradictions, leurs angoisses et leurs peines. En scrutant au plus près les visages de cette femme blessée, de cet homme pas si héroïque et de leurs enfants au bord du gouffre, il livre un saisissant portrait de famille européenne, elle aussi au bord du gouffre.
Un cinéaste est né
Et en situant son action dans cet appart-hôtel international, il emmène son drame psychologique sur des rives fantastiques, qui ne sont pas sans évoquer celles de l'Overlook Hotel du Shining de Stanley Kubrick. Outre la scène de l'avalanche, le film regorge de moments-clés, véritables morceaux de bravoure cinématographique. A l'instar d'une séance de ski par temps neigeux, au cours de laquelle les uns et les autres se perdent, se décomposent et se recomposent. Et plutôt que de clore son film sur une note positive attendue, le cinéaste livre le temps d'un somptueux plan séquence en travelling arrière un tableau de groupe, dans lequel se fond sa famille modèle, filmé à hauteur d'hommes, face caméra - un final plein de compassion et de compréhension.
Bref, un film saisissant, qui s'appuie sur des enjeux moraux et esthétiques qui résonnent en nous bien après sa projection. Un grand cinéaste est né ! Prix du Jury Un certain regard au Festival de Cannes 2014.
Travis Bickle
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire