mercredi 14 janvier 2015

Les Nouveaux sauvages : manque un peu de piment...

En salles : C'était la suprise del jefe du Festival de Cannes 2014 : un film argentin, d'un quasi-inconnu, Damien Szifron, produit par les frères Almodovar, avec la star locale Ricardo Darin, directement sélectionné en compétition officielle ! Résultat ? Même s'il est reparti bredouille, Les Nouveaux Sauvages a battu le record de fréquentation en salles dans son pays d'origine, (plus de 3,5 millions de spectateurs) précédé par un buzz qui le compare aux Nouveaux monstres, le film à sketches de légende signé Dino Risi, Ettore Scola et Mario Monicelli. Alors, qu'en est-il, une fois le buzz retombé ?


Pas facile de rire
Hasard du calendrier, le film nous arrive à un moment particulier, où les nouveaux barbares ont fait irruption dans notre quotidien, manifestant de manière extrême des formes de pétage de plomb dont le film semble faire le recensement. Pas sûr que le climat donc se prête à en rire. On aurait pourtant tort de passer à côté. Et martelons-le : nulle trace ici d'apologie du terrorisme ou d'appel au meurtre, de quelque nature que ce soit. Non : le film titille le vernis de notre sociabilité et de notre bienséance, sous lequel se tapissent parfois des vils instincts. C'est donc jouissif, relevé, même si ça manque un peu de piment !
Retour du film à sketches
Six histoires qui n'ont pas grand chose à voir, si ce n'est un pétage de plomb carabiné, dû à une situation triviale. Dans l'ordre, un avion composé de passagers qui ont tous en commun d'avoir connu et maltraité un certain Pasternak ; une cuisinière face à l'assassin de son père prête à se venger avec de la mort aux rats ; deux automobilistes engagés dans un duel à mort dans le désert argentin ; un ingénieur aux prises avec les employés de la voirie urbaine à Buenos Aires ; les petits arrangements d'un milliardaire avec justice, police et employés, cherchant à sauver son fils de la prison, après un délit de fuite ; enfin, un mariage juif qui, sous le coup d'une oeillade, se transforme en véritable guerre des Rose, sauce argentine.
Lutte des classes new look
Si, comme dans tout film à sketches, certaines histoires sont plus marquantes que d'autres – personnellement, palme à ce duel sauvage, aux allures de western contemporain, que cette lutte féroce entre ces deux automobilistes, suffocant, totalement nihiliste dans sa rage destructrice – elles ont, outre leur récit de pétage de plomb, en commun de réactiver la lutte des classes, new look, fruit de nos sociétés post-capitalistes : le milliardaire à la Gassman face à son jardinier ; ou cette cuisinière, vivant difficilement face à son arrogant mafieux assassin de son père.
Un peu plus de lâcher prise
Véritable coup d'éclat pour ce cinéaste de 39 ans, Damien Szifron, dont il s'agit là du premier film qui nous parvienne en France en salles. Qui est parvenu à alterner les tons et genres, passant de l'humour noir à la romance, en passant par le film noir ou le western. Et dont la mise en scène, parfaitement contrôlée, avec un scénario au cordeau, le tout monté de manière électrique et éclairé avec beaucoup de maîtrise par Javier Julia , épouse le contrôle sous lequel végètent les instincts des personnages, le vernis derrière lequel s'impatiente d'éclater notre sauvagerie. Un contrôle justifié, dont on aurait juste aimé qu'il donne du lâcher-prise, à l'instar du formidable sketch des les automobilistes.
Travis Bickle

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