jeudi 11 juin 2015

De Pierre Richard, j'oublie rien mais je lirai tout


Artistes : Je sais rien, mais je dirai tout. Pierre Richard a repris le titre d'un de ses premiers films pour intituler sa biographie, publiée chez Flammarion. C'est un délice de lire l'artiste raconter sa vie et ses tournages avec son ton inimitable.

Ce n'est pas la première fois que Pierre Richard écrit un livre ou publie ses mémoires. Qu'importe ! Sur les planches du théâtre comme sur un plateau de cinéma, un acteur se répète. C'est son métier. Et puis, quand une histoire est bien racontée, on a envie de l'entendre, encore et encore. Et des histoires, Pierre Richard en a beaucoup à partager. C'est Jérémie Imbert qui se charge de l'aider à vider son sac à souvenirs. Redchef du site cinecomedies, l'homme connaît bien l'acteur, auquel il a consacré un documentaire (Pierre Richard L'Art du déséquilibre). Leur complicité débouche sur une conversation alerte, drôle, avec quelques piques pas bien méchantes. Un bonheur à lire, même pour les fans, comme moi.

Car j'ai grandi avec Pierre Richard. Dans les années 70 et 80, les films du grand blond passaient en boucle sur les trois chaînes de la télévision française. Le magnétoscope tournait à fond et on se les repassait régulièrement. Dans notre Blondothèque VHS, il y avait Le Grand Blond avec une chaussure noire, Le Retour du grand blond, Je suis timide mais je me soigne, La Chèvre, Je sais rien mais je dirai tout, Le Distrait, La Course à l'échalote, Les Malheurs d'Alfred, La Moutarde me monte au nez, Le jouet, Les Compères, La Carapate, Le Coup du parapluie. On avait beau connaître par coeur les gags, les répliques ("Ben, les gars, ben les p'tits gars"), il ne se passait pas un mois sans que le Pierrot s'invite dans le salon. Donc lire ce livre de souvenirs, c'est croquer dans une madeleine qui fait jaillir les bons moments de l'enfance. 

Les bonheurs de Pierrot

Celle de Pierre Richard se déroule principalement dans un château. Celui de son grand-père, industriel du Nord. Le petit blond est enfant de divorcés : maman d'origine italienne abandonnée par un mari volage issu d'une famille bourgeoise. Etre petit-fils d'un richard, ce n'est pas toujours marrant : éducation stricte, pension chez les curés... Mais le Pierrot est déjà lunaire. Les études, ce n'est pas son truc. Il s'évade régulièrement en faisant le mur ou du jazz avec les copains. Puis c'est la révélation : un costume de mousquetaire, une tirade récitée au château devant des invités et un film de Danny Kaye vu au ciné. "Je serai acteur !" 

Jeune adulte, Pierre-Richard de Fays devient Pierre Richard. Direction Paris, chez maman. Les cours de théâtre et la confirmation que la tragédie, malgré tout le coeur qu'il y met, ce n'est pas pour lui. Années de mouton enragé. Les petits rôles sur les planches, puis à la télé ; le cabaret avec Victor Lanoux et, enfin, le cinéma, grâce à Yves Robert. C'est lui qui fait comprendre à Pierre Richard qu'il doit écrire ses propres rôles car il est un personnage à part. Le Distrait lance véritablement sa carrière d'acteur et de réalisateur. Pierre Richard incarne l'innocent maladroit en butte contre les institutions. Lorsqu'il oubliera cet univers, le public ne suivra pas. 

L'art de la chute

Dans ce livre, Pierre Richard se raconte. Sans se la raconter. Et pourtant, il en a croisé des "védettes" : Jerry Lewis, Mel Brooks, Gene Wilder ou Jackie Chan, qui ont voulu tourner avec lui : Bob Dylan, qui adorait Le Grand Blond, et Martin Scorsese ; Alain Delon, qui a complimenté ses yeux ; François de Roubaix, le génial compositeur mort trop tôt, à qui l'acteur rend un hommage émouvant... Il en a connu des succès, au point de devenir une méga star en Europe de l'Est, en Asie ou à Cuba... Avec son ton inimitable - car on l'entend parler quand il écrit -, il revient sur ses films, ses tournages, ses voyages, ses rencontres. On découvre qu'il a failli tourner avec Louis de Funès et Orson Welles, qu'il a produit Alain Cavalier ! Sur ses malheurs, "Alfred" ne fait que passer. Avec humour et sans acrimonie. Il a même du mal à sortir les griffes contre les ingrats ou les méchants. Il reconnaît ses torts. Fautes avouées...

Cher Pierre Richard, pas besoin de ce livre pour reconnaître votre immense talent mais quel plaisir de vous lire, avec une musique de Vladimir Cosma dans la tête. Vous m'avez donné envie de ressortir mes vieilles VHS ou de filer acheter les éditions Blu-ray de vos films. Cette déambulation dans vos souvenirs m'a bien fait marrer. Et, en refermant l'ouvrage, c'est la première fois que j'ai été aussi ému par votre chute. 

Anderton


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