En salles : Entre Renoir et Resnais, Comme un avion est une ode au farniente, à l'imaginaire, à la sensualité. Une magnifique surprise de la part de Bruno Podalydès, réalisateur de Liberté Oléron et Adieu Berthe.
Fantômes d'Alain Chabat, Pierre Richard et Philippe Noiret
Personnage lunaire, entre Alain Chabat, Pierre Richard et Philippe Noiret, le frère de Denis impose un personnage lunatique, qui vit dans le virtuel en tant que créateur d'image de synthèse en 3D, et les pieds dans un réel qu'il cherche à fuir. Le jour de son anniversaire – ses 50 ans ? - il se découvre une nouvelle passion : le kayak, à l'occasion d'un petit challenge entre collègues sur les palindromes. S'il fait également songer à Nanni Moretti ou à Edouard Baer, son personnage est plutôt du côté des doux rêveurs, de ceux qui se laissent porter par le courant, qui s'y adaptent, s'y lovent, s'y coulent. Bref, un personnage qui devient vite l'ami du spectateur, qu'on aimerait bien retrouver un jour.
Un dispositif simplissime
En adepte de la ligne claire chère à son auteur préféré Hergé, il signe un scénario limpide. Un homme, le temps d'une parenthèse dans son quotidien, remonte une rivière en kayak. Oubliez Délivrance – quoique... – et pensez plutôt Manet, le peintre, et Renoir, le cinéaste. Ode à la lumière – magnifiée par Claire Mathon, décidément de plus en plus indispensable aux cinéma français – c'est également une variation sur la vie. Parvenu à la cinquantaine, cet homme entame à travers son périple fluvial une remontée dans le temps. Et une projection de ce qui lui reste à vivre, avec son lot de regrets, d'occasions manquées, mais aussi de rencontres merveilleuses, de paradis à portée de main. La rivière de Podalydès était à la cinquantaine ce que l'aviation est aux Herbes folles de Resnais étaient à la retraite : une douce métaphore, sauvage, libertine, poétique
Utopie libertaire et libertine
Car au détour d'une boucle de rivière, soudain, apparaît une petite maison dans la prairie – ou plutôt, une auberge, lumineuse, solaire, tenue par une Blanche-Neige des temps modernes – superbe Agnès Jaoui -, adepte d'un jeu coquin en forme d'hommage au Petit Poucet, accompagnée par une Italienne belle à croquer – sublime Vimala Pons, malheureuse en amour, qui pleure dès qu'il pleut, et d'une foule de personnages, restés en plan, qui font des plans, à coups de rasades d'absinthe et parmentiers de canard. Utopie libertaire, qui prend des accents libertins, une véritable maison Tellier revue à l'aune du XXIe siècle. Parmi ceux que cet Ulysse des rivières laisse de l'autre côté du rivage le temps de son escapade, il faut signaler Sandrine Kiberlain. Joyeuse, amoureuse, maternante, elle est la Pénélope de l'histoire, celle qui pousse son mari à entreprendre son voyage ; et celle qui l'attend, non sans se laisser aller aux plaisirs charnels, tout comme son mari.
Choses graves dites avec légèreté
Citer Bergman écraserait un peu le film. Pourtant, il possède la jouvence de Monika et de Songes d'un nuit d'été, matinée de la tristesse des Fraises sauvages. Il faut bien entendu évoquer l'humour avec lequel toutes ces choses graves sont dites – dialogues irrésistibles ; la galerie de personnages qui parvient à peindre en deux-trois mouvements – les collègues de travail, le duo d'homosexuels campés par Jean-Yves Brouté et Michel Vuillermoz, attelés à des travaux de bricolages aussi inutiles qu'intriguants, sur fond de Daft Punk ; ou bien de vigile de parking, rencontré une soirée, alors que le kayak s'est malencontreusement échoué sur un... parking de supermarché.
Trouvailles visuelles
Bonheur d'écriture, Comme un avion est également un bonheur visuel. mille trouvailles visuelles inventives émaillent ce périple en eaux douces (les rêves et cauchemars, l'anniversaire, le bruit du céleri-rémoulade, une partie de campagne goulue et sensuelle, une fête endiablée sur fond de Santa-Esmeralda...). Occasion de rappeler la formidable B.O. du film, qui mixe Charlélie Couture, évidemment, avec Georges Moustaki, Bach avec Alain Bashung.
Les plus beaux voyages se font par la fenêtre, disait un personnage du Roi de cœur de Philippe de Broca (découvrez notre dossier). Ils se font aussi au cinéma, avec de tels films. Faut-il vous le dire ? Rarement été à la fois aussi ému, touché et régénéré...
Travis Bickle
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